La rue sans joie, Loulou, Le journal d'une fille perdue, ... Les cinéphiles connaissent parfaitement le réalisateur autrichien Georg Wilhelm Pabst, qui fut l'un des trois piliers du cinéma muet allemand, aux côtés de Fritz Lang et de Friedrich Wilhelm Murnau. Jeux de lumière raconte plusieurs périodes de sa vie mais ce n'est pas une biographie, Daniel Kehlmann préférant à juste titre mettre l'accent sur une dizaine d'années de son existence (1934-1945), quitte à évoquer plus brièvement d'autres périodes, antérieures ou postérieures. L'intelligence du livre est cinématographique, à savoir que chaque chapitre possède sa propre mise en scène, où le personnage qui est décrit au départ n'est pas le cinéaste lui-même mais quelqu'un de son entourage, sa femme ou son assistant, par exemple, avant d'élargir le cadre et de zoomer sur Pabst. Plusieurs scènes marquantes évoquent son échec à Hollywood (contrairement à Lang), avec des dialogues parfois lunaires, et hilarants, avec des producteurs américains. D'autres grands réalisateurs passent une tête, tels Billy Wilder et Fred Zinemann, mais ce sont 2 actrices qu'il a mis en haut de l'affiche, Greta Garbo et Louise Brooks (son amour secret), qui marquent le plus son piètre séjour californien. Mais, bien entendu, c'est sa "collaboration" avec le régime nazi qui reste le plus passionnant à lire. Sa présence en Autriche est due à de malencontreuses circonstances mais il n'a guère d'autre choix que de tourner pour les maîtres du Reich. A ce propos, la scène dans le bureau de Goebbels est d'une ironie cinglante, quasi surréaliste. et aussi drôle, dans son registre, que celles avec l'invraisemblable Leni Riefenstahl. A noter d'ailleurs que ses 3 longs métrages du temps de la guerre sont aujourd'hui assez difficiles à trouver, qui plus est pour le dernier (son meilleur ?), Le cas Molander, porté disparu. S'il y a une bonne part de fiction dans le livre, celle-ci reste toujours pertinente et crédible dans le portrait très fin et narquois d'un cinéaste qui aurait pu devenir encore plus grand s'il avait parlé un peu mieux l'anglais et accepté d'avaler quelques couleuvres hollywoodiennes.

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