Jeux de monstres
6.4
Jeux de monstres

livre de R. L. Stine (1996)

J'ai relu Chair de Poule pour vous épisode 4 : Jeux de monstres

Jeux de monstres a un statut assez particulier pour moi en ce sens que je l'ai vraiment beaucoup aimé à une époque mais que je suis aujourd'hui totalement incapable de savoir ce qui m'avait plu alors. A vrai dire avant même de le relire pour les besoins de cette critique je me rappelais avec une certaine acuité (due sans aucun doute à un certain nombre de relectures passées) tous les défauts du bouquin (preuve d'après moi que j'avais déjà du les remarquer à l'époque) mais je me souviens tout de même l'avoir vraiment beaucoup aimé...


Comme La Rue maudite (1) et Le Mangeur d'hommes à une époque, j'ai découvert Jeux de monstres en colonie de vacances. Acheté de toute évidence selon le fameux ratio coolitude de la couverture / intérêt (dans ce cas tout relatif) du résumé, Jeux de monstres avait apparemment su combler mes attentes en matière de monstres et de littérature, à tel point que je l'avais choisi parmi tous les autres livres que j'avais pu lire à l'époque pour une petite rédaction censée venter les mérites de notre livre préféré (Jeux de monstres donc...) quand j'étais à l'école primaire...
Je n'ose imaginer la déception de ma maîtresse d'alors à la découverte du sujet de ma maladroite bafouille (que j'imagine cependant passionnée), elle qui, sans doute, tentait tant bien que mal de nous enseigner le goût des belles choses et (à notre niveau tout relatif) des belles lettres...


Si aujourd'hui encore je garde une certaine tendresse pour la couverture de ce livre (dont j'avais consciencieusement recopié au feutre le faciès simiesque sur une languette de carton souple qui, une fois plastifiée et muni d'un pompon – véridique ! – devint mon marque-page fétiche pour bien des années), j'ai malheureusement perdu toute illusion quand à son triste contenu.


A votre tour !


Le résumé de la quatrième :


JEUX DE MONSTRES
QUI PERD MEURT...
Non, Joanna et ses frères ne rêvent pas ! Ils ont bel et bien été capturés par d'horribles créatures lors d'une simple balade en forêt.
Et pour quoi faire ?
Pour tester le nouveau jeu inventé par les monstres : « La bête de l'est ».
Ca pourrait être amusant si les perdants ne risquaient pas d'être dévorés à chaque instant !


Difficile en lisant ces quelques lignes de dire ce qui avait bien pu m'attirer à l'époque tant tout y sent le soufre. Hors comme vous ne tarderez pas à l'apprendre, le pire est encore à venir dans ce grand n'importe quoi qu'est Jeux de monstres...


Commençons comme d'habitude par le style de ce cher Robert et autant le dire tout de suite, Bobby se dépasse ici ! Niveau fumisterie le bonhomme n'a sans doute pas fait mieux et tout dénote de son je-m’en-foutisme vis à vis d'une histoire dont lui même semble avoir remarqué le ridicule.
Chapitres d'une page (deux sur les trente-trois que compte le bouquin !), dialogues interminables et bien souvent minables tout court, un chapitre 4 tout simplement inutile (les monstres apparus à la fin du chapitre précédent font tout un tas de trucs incompréhensibles puis partent pour revenir dès le chapitre suivant pour en arriver à la même situation de départ !), Stine s'en fiche et nous le fait savoir.
Le style (déjà hautement discutable pourront dire certains) du monsieur en prend lui aussi un sérieux coup dans les parties, la fameuse description des personnages, d'habitude incorporée avec une certaine maladresse étant cette fois ci ajoutée au forceps, de même que certains éléments « importants » pour le déroulement du jeu à suivre ont de toute évidence été ajouté après coup au récit pour servir à un futur retournement de situation.


Si vous comptiez encore sur l'histoire pour sauver les meubles je me vois en devoir de vous détromper dès à présent : les meubles sont bel et bien foutus.
Commençant sur un incroyable souvenir de mauvais traitements parentaux (la mère ayant apparemment l'habitude de mettre sa fille au lit sur un « Bonne nuit, Joanna. Ne laisse pas les punaises te dévorer ! », le père lui chantant ensuite une comptine à propos de « promenade dans les bois et de centaines d'oursons qui cherchaient des petits enfants... pour les manger au goûter. »), le récit se poursuit par une joyeuse balade dominicale dans les bois à la fin de laquelle le père s'écriera « Joanna, emmène tes frères se promener et essaie de les perdre ! » avec « un sourire en coin »...
Qu'est ce qu'on s'amuse chez toi Joanna !
Cette courte randonnée sera d'ailleurs l'occasion de mettre le doigt sur deux éléments qui auraient d'entrée de jeu du dissuader Stine d'écrire un livre sur la forêt :
1) Robert ne connaît semble t'il absolument RIEN à la nature (la mère débusque ainsi un hérisson en plein jour!) et du coup ces personnages non plus.
2) Robert a de toute évidence un réel problème avec les écureuils (nous y reviendrons).
Hors donc Joanna et ses deux frères décident de prendre leur doux papa au mot en allant jouer à cache cache dans les bois. Après s'être rendu compte qu'à ce petit jeux là papa et maman étaient, et de loin, les plus fortiches, notre trio rencontrent une sorte d'ECUREUIL géant entre deux choux-fleurs géants puis tombent sur un tas de monstres bleus qui leurs imposent de jouer à un jeu idiot proche du Calvinball mais en drôlement moins drôle dont les seules issues sont la victoire ou la mort. Par dévoration.


Ici petite pose : je m'étais déjà fait la réflexion lors de ma relecture de La Rue maudite et le détail m'a à nouveau frappé ici : Stine ne sait pas décrire un monstre. Je n'arrive pas à savoir si c'est dans un soucis de se mettre au niveau de ses lecteurs, par simple paresse ou par réel manque d'imagination mais à chaque fois qu'un nouveau monstre apparaît dans une de ses histoires ce brave Robert se contente de mettre bout à bout des morceaux d'animaux dans l'espoir que le tout ressemble à quelque chose de nouveau et si possible effrayant (allant d'ailleurs jusqu’à les appeler par des noms d'animaux mis bout à bout, comme le funeste crabe-loup de La Rue maudite !), un peu finalement comme le ferait un enfant dans une rédaction. Sauf que ses rédaction à lui se vendaient trente balles.


Bref. Nos trois castors juniors à la manque (vous ai-je dit que Joanna était scout?), ou du moins les deux qui restent (oui, on en a perdu un en route mais tout le monde s'en fout alors pourquoi pas nous ?), décident d'essayer de jouer mais trouvent tout comme nous que c'est un peu dur, surtout quand les monstres et l'auteur inventent les règles au fur et à mesure. D'autant qu'à force d'en inventer les uns comme les autres finissent par en oublier la moitié.
L'idée du jeu en elle même n'est pas une si mauvaise idée et encore une fois sous une plume un poil plus inspirée (disons même sous une vraie plume) le concept aurait même pu prêter à une bonne histoire mais la fumisterie est ici tellement flagrante que le lecteur n'a même pas ENVIE d'y croire.
Et c'est presque dommage tant on peut presque discerner entre les lignes une espèce de version tordue d'Alice au pays des merveilles où un personnage se retrouve dans un rêve éveillé peuplé de créatures étranges et inquiétantes, forcée à jouer à un jeu dont elle ignore les règles mais dont elle devine la funeste fin... On relèvera d'ailleurs la présence de personnages hybrides (le chien-ECUREUIL !!!) aux intentions obscures et de certains passage pleins d'une sorte d'humour absurde (notons ainsi le passage voyant les enfants supplier un monstre de les débarrasser des serpents qui les recouvrent - oui oui... - et le monstre leur répondre « Mais pourquoi ? […] Ils pourraient vous mordre ! ») qui n'auraient pas dépareillés dans le récit de Caroll...


Sauf que là, on est chez Stine, et Stine il en à plus rien à carrer de son histoire ! Tellement rien à carrer qu'il écrit n'importe quoi : ses monstres ont ainsi des cerveaux équipés d'un « adaptateur universel (je n'invente rien ! Je préférerai mais je n'invente rien!) pour parler toutes les langues, l'un d'entre eux est retrouvé endormi sans raison aucune, tout le monde dit n'importe quoi (« Arrête de te baisser. Tu me donne encore plus faim ! » dira ainsi un monstre à Joanna), un personnage pris de terreur essaie de reprendre ses esprits en s'imaginant... dans sa salle de bain, bref, c'est du grand n'importe quoi jusqu'à la fin.
Et cette fin n'est tout compte fait pas si male : le je-m’en-foutisme qui la précède à le mérite de nous désintéresser de l'histoire à tel point qu'on ne s'y attend presque pas et le retournement de situation s'avère même assez amusant. Sauf qu'en fait on s'en fout, d'une part parce qu'à aucun moment on ne s'attache aux personnages, la faute à trop de n'importe quoi, et d'autre part parce que Bobby, faute d'avoir relu sa rédaction avant de la rendre a oublié qu'il avait commencé son histoire par un « L'été dernier », de sorte que cette brave Joanna (qui raconte l'aventure) a forcément du survivre à ses épreuves... Autant pour le cliffhanger du coup.


Pour conclure Jeux de monstres est un très mauvais Chair de Poule, mauvais à tel point que j'ai presque du mal à le départager de La Rue maudite, pourtant mètre étalon de la médiocrité dans son genre...
Tout le monde s'en fiche tellement que le lecteur finit lui aussi par s'y mettre, et c'est presque dommage parce qu'il y avait quand même deux trois petites choses sympathiques dans ce bouquin, comme notamment cet humour involontaire poussant les personnages à réclamer un temps mort ou à déclarer « plutôt mourir » alors que justement, c'est de ça dont il est question.
Reste surtout une impression de gros foutage de gueule et de temps perdu et, pour moi, une réelle incompréhension quant à ce que j'ai bien pu trouver un jour à ce livre, passé sa chouette couverture...


PS : cette fois encore je n'ai pas réussi à trouver la fameuse phrase gimmick si chère à notre ami Robert et c'en est à se demander si je ne l'ai pas rêvée dans les autres...
J'ai noté en revanche deux mentions à la chair de poule des personnages ce qui est finalement assez amusant aussi.


(1) Cf ma critique

Thieuthefirst
2
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Créée

le 16 sept. 2014

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Thieuthefirst

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