En ces époques, le monde était une carte

En ces époques, le monde était une carte qui avait les dimensions illimitées de l’espérance, les géographes noctambules l’arpentaient; leurs pas, au cours des siècles avaient menés quelques uns - devenus des héros légendaires dont on en parlait ensuite pendant des générations jusqu’ à ce qu’un autre s ‘y risquât à nouveau - aux confins du monde, là où une autre carte était un monde nouveau; on disait même que certains - ignorance ou choix ?- avaient franchi les confins; certains en étaient revenus.
Quand ils croisaient d’autres géographes dans ces mondes nouveaux - grâce à la langue universelle de John Wilkins ils pouvaient comprendre et être compris - ils apprenaient que les mêmes questions agitaient les esprits: tous parlaient du Poète, que l’un des anciens géographes - d’on ne sait quel monde - mais si l’on en croit les recherches menées depuis trois siècles, il semble que chaque monde ait dans son histoire ce vieux géographe - il y a des millénaires, combien ? on ne le sait plus - avait rencontré et il récitait une brève composition (…)qui lui procura en même temps l’immortalité et la mort. Le texte en est perdu (plusieurs tiennent pour assuré qu’il se composait d’un seul vers, d‘autres d’un seul mot). L’idée s’est perpétuée puis amplifiée, il est désormais tenu pour certain que ce texte est la réponse à toutes les questions, que le Poète était le créateur de l’univers, le père premier. Les géographes cherchent le monde où vivait le Poète, espérant y trouver le texte original - au moins un indice. Tant que les années qui passent ne leur ôtent pas l’espoir de trouver, ils imaginent le paradis sous l’espèce d’une carte de l’univers.

Parfois, ils rencontrent de vieux géographes, n’ayant jamais quitté le secteur du monde où ils sont nés qui leur enseignent ce qu’ils ne savent pas à eux qui, sans doute, en savent davantage.
Et puis quand cette quête, vaine - jusqu’à nos jours - arrive à son terme, lorsque le géographe qui a survécut au lâche et au vaniteux qu’il était, est certes encore un insensé - mais devenu raisonnable devant la mort il peut adresser une dernière prière: plut au ciel que je fus né mort.


J’aime à rêver les textes, les poèmes de José Luis Borges au son d’une Milonga ou d’un vieux Tango dans les bras d’ une femme de Palerme avec laquelle je connaitrai des aubes sans fin pour apprendre la mort.


M’ont tenus la main:

La Bibliothèque de Babel, Autres Inquisitions, La Parabole du Palais,

Poèmes des Dons, La Renommée, The thing I am
Le Poète proclame son renom, Élégie des Portails


https://blog.holophernes.com/

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le 11 janv. 2022

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