Qu'on aime ou pas le football, en tant que jeu ou en tant que spectacle, son importance comme phénomène social et culturel de masse est immense. Amateur moi-même, je regrette le très faible nombre d'écrits, de fiction ou d'essai, traitant du football. C'est donc avec une curiosité pleine d'espérances que j'ai acheté ce 'Jouer Juste' au cours d'une visite au Salon du Livre de Paris. François Bégaudeau était à un mètre de moi, j'ai failli lui parler, de cette curiosité, de ces espérances, mais une intuition m'a retenu. Bien m'en a pris.


Car le sujet ici n'est pas le football. Ce n'est pas non plus l'histoire d'amour, grotesquement superposée au discours plein d'emphase sur le beau jeu. Le sujet est l'ego du narrateur. Le quatrième de couverture ose comparer celui-ci à Don Quichotte, quoiqu'il se rapproche davantage de sa mule d'un point de vue syntaxique et surtout du moulin à vent pour ce qui est du propos.


Un narrateur prétentieux, insupportable, pourquoi pas, cela a déjà été réalisé avec succès. Le problème est quand celui-ci n'a pas grand-chose à dire et qu'il bénéficie d'une telle mansuétude de la part de son auteur (qui n'en est sans doute pas si éloigné).


'Jouer juste' n'est pas loin du pire de ce dont la littérature française (parisienne ?) réaliste contemporaine est capable : une espèce de gloubi-boulga sur le mode tout à l'ego qui sous prétexte d'une vague originalité formelle (quoique mille fois lue et déjà digérée, déféquée et réingurgitée jusqu'à l'indigestion), enfile les poncifs et les tournures définitives sans en assumer aucun, se défendant de tout par sa distance et son ironie permanente, par sa vanité grossière, par son incapacité évidente à générer du rêve, de l'émotion, à se mouiller pour essayer seulement de dire quelque chose sur le monde, sur la vie.


Je tente une métaphore : 'Jouer juste' voudrait être le Nantes des années 2000. Mais il joue vers l'arrière en demandant à son gardien de dégager le plus loin possible afin de gagner du temps, et pense déjà à la conférence d'après-match avant même d'avoir commencé à mouiller le maillot.

Orazy
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le 6 juin 2019

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Orazy

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