Vite, ma valise
De ce livre qui a longtemps séjourné sur ma table de chevet, je retiens la phrase suivante : "Si on ne laisse pas le droit au voyage de nous détruire un peu, alors autant rester chez soi". Voilà...
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le 8 déc. 2011
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Journal d'Aran… est une découverte surprenante lorsqu'on lit pour la première fois N. Bouvier, comme c'était mon cas. Sans avoir d'attentes précises, on attend soit un dépaysement de bon ton (récit d'aventure, qui accepte la validité de l'expérience au premier degré), soit une réflexion sur le voyage (pour laquelle le voyage ne serait, en somme, qu'un prétexte). Finalement, on ne trouve ni l'un ni l'autre, mais plutôt de petits passages assez variés, qui dépeignent parfois une journée de balade ordinaire, parfois une anecdote ou même une parenthèse historique, un portrait humain, occasionnellement (mais en définitive assez rarement) un paysage. On en vient à reprendre le diagnostic de l'écrivain sur l'Irlande : “L'absence d'un son, d'une couleur, peut-être d'une personne me donnait l'impression d'arriver dans l'instant juste un peu trop tôt ou trop tard, de le surprendre en état de manque.”.
Puis naturellement on s'interroge — sans doute ce manque, cette déception, ce refus du genre (comme il y a des refus d'obstacle) — est-elle aussi un miroir. N. Bouvier effectue son premier voyage dans une île d'Aran vide de tous voyageurs en plein hiver (il croisera des conférenciers égrillards à Galway), et s'égarera aussi dans une Corée qui n'était pas encore inscrite dans les tristes bréviaires de l'extraordinairement nommé Lonely Planet. Certainement, nos attentes vis-à-vis des expériences du voyage (intensité, sublimité narcissique etc.) conditionnent de ce que nous attendons d'un récit de voyage. En partant hors piste, en voyageant sans l'envie frénétique de la conquête de tel ou tel locus famosus, on peut difficilement proposer cette expérience à son lecteur biberonné à l'immédiateté. Le voyage pourrait alors devenir, peut-être, découverte sincère ? (si celle-ci peut exister.) La brièveté condamne l'ouvrage à s'en tenir à une impression d'ensemble agrémentée de quelques pointes (« Si on ne laisse pas au voyage le droit de nous détruire un peu, autant rester chez soi »). L'expérience aura été, en ce qui me concerne, frustrante mais suggestive — je tâcherai certainement de relire N. Bouvier.
Une mention pour la superbe couverture de l'édition des années 1990, réalisée par F. Pochon-Emery. Les deux dernières étant respectivement désolante (celle des années 2000) et pauvre (2015 ?), on s'interroge sur les raisons d'un tel déclassement…
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Créée
le 27 août 2016
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