Justine ou Les Malheurs de la vertu par Rahab
J'avais été surpris, peut être dérangé, par la littérature de cet auteur si controversé, après ma lecture du fameux "La Philosophie dans le boudoir". Il était donc temps de saisir un roman et d'observer ce que pouvait rendre l'esthétique Sadienne sur un plus grand nombre de pages.
Pour commencer, si le marquis de Sade a bouleversé la manière de penser la vie, le libertinage, la mort, le sexe et autres thèmes tabous ou philosophiques, il n'a pas chambouler le style d'écriture qui prévaut au XVIIIème siècle. C'est un style parfaitement dix-huitièmiste avec les tournures et le verbe tout à fait "classique". Juste au cas où, je préviens, ne vous attendez donc pas à un chamboulement stylistique...
Ainsi la forme est agréable, mais le fond est plus intriguant. Justine est une jeune fille vertueuse laissée seule face au monde au sortir du couvent qui est persuadée de pouvoir vivre de sa vertu en se plaçant humblement dans la société. Pour ceux qui auraient connaissances de l'esthétique Sadienne, cela ne peut se passer ainsi. La pauvre Justine croise dans toutes les forêts dans lesquelles elles s'évade des pervers immondes qui font d'elle un objet de fantasmes et perversions en TOUT genre. A croire qu'au XVIIIème siècle toutes les routes étaient fréquentées par des libertins aux goûts "borderline"...
Je suis d'accord, ainsi Sade peut placer des bribes de dialogues dans lesquelles il expose sa philosophie et sa vision du monde qui, même si l'on est en désaccord, est intéressante. Son côté anti-rousseauiste est un régal par exemple. Mais Sade insiste beaucoup trop ! Le roman se répète en allant ; "C'est Justine, elle se ballade dans la forêt, elle tombe sur un psychopathe qui a l'air gentil, il l'emmène dans un endroit super reculé en lui promettant de la protéger, elle se trouve enfermée avec d'autres jeunes personnes trois ans dans une demeure immense d'où elle ne peut s'échapper avec une bande de libertins qui assouvissent leurs vices extrêmes sur elle..." Et ce schéma se répète tout le roman.
Je suis d'accord pour dire que Sade parodie aussi les romans de ses contemporains en exagérant volontairement et les évènements et les insistances (oui, exagérer des insistances c'est possible) et les caractères. Mais à une certaine limite cela devient pompant.
Très sincèrement, lisez-le, voyez par vous même, essayez tout du moins de vous intéresser à cet auteur intrigant. Mais pour cela commencez par La Philosophie dans le boudoir pour que Justine ne vous anesthésie pas de sa littérature.