Karoo
7.3
Karoo

livre de Steve Tesich (1998)

J’espère vraiment que le phénomène de la liseuse et des e-books ne mettront pas un terme au livre papier. Comment aurais-je pu flasher sur Karoo sans accroche visuelle ? Son design épuré, naturel, tout en simplicité a tout de suite attiré mon attention parmi toutes les autres couvertures ternes ou trop colorées et souvent peu séduisantes.
Une belle couverture couleur sable en relief, du papier d’une douceur rare, bref un très bel objet très agréable au toucher, bravo aux éditions Monsieur Toussaint Louverture.
Le petit truc en plus, sur la toute dernière page : la liste des caractéristiques matérielles du livre, type de matériaux employés, type de police d’imprimerie, les dimensions :

« L’ouvrage ne mesure que 140 mm de largeur sur 195 mm de hauteur. Pourtant, la chute qu’il raconte est vertigineuse. »

Et voilà comment on achève de convaincre la lectrice que je suis de rentrer chez elle le livre en main.

Saul Karoo travaille dans l’industrie du cinéma. Son rôle est de réécrire des scénarios peu convaincants et de transformer des navets en chefs d’œuvre. Sa renommée dans le milieu n’est plus à faire, il est riche, reconnu, tout semble aller pour le mieux.
Mais Saul Karoo n’est pas ce qu’on pourrait appeler un modèle de vertu. Séparé de sa femme qu’il a trompé à de nombreuses reprises, il évite soigneusement tout contact avec son fils, ne cesse de boire, ment comme un arracheur de dents et, disons le franchement, se comporte comme un gros porc.
Jusqu’au jour où il est atteint d’un phénomène curieux : Karoo ne parvient plus à atteindre l’ivresse. Il a beau picoler comme un trou, il reste sobre. C’est toutefois grâce à cette curieuse maladie qu’il va enfin prendre conscience de son comportement odieux. Il va alors décider de se racheter une conduite, d’obtenir le pardon de ceux qui finalement comptent pour lui. Mais le destin lui refusera la rédemption et lui préférera le châtiment.

Gros coup de cœur pour ce sublime roman d’un auteur malheureusement disparu.
Pourtant je ne cache pas que je commençais à trouver la première partie un peu longue. On y fait la connaissance de Saul, de son entourage, de sa vie, de sa mentalité. Le récit, effectué à la première personne, nous permet d’accéder à ses pensées les plus intimes. Saul nous fait part de ses réflexions sur la société dans laquelle il évolue et se fait aussi son propre critique non sans humour. Saul est un personnage très cynique, il ne semble pas avoir de scrupules et prend tout à la légère. Mais Steve Tesich le fait évoluer subtilement vers la prise de conscience.
D’après les critiques que j’ai lues, beaucoup de lecteurs ont de loin préféré cette partie au reste du roman qu’ils ont trouvé plus fade. Je ne suis pas du tout de cet avis. J’ai adoré la suite du récit et son progressif glissement vers le tragique. On sent qu’il va se passer quelque chose de dramatique. J’ai essayé de deviner où l’auteur voulait m’emmener mais il a vraiment réussi à me surprendre. J’ai fini par prendre Saul en pitié, il m’a vraiment fait mal au cœur. Et lorsque le châtiment survient, l’auteur bascule de la première personne à la troisième. J’ai ressenti ça comme une distanciation punitive, une façon de symboliser le rejet de Saul, de le repousser encore plus mais aussi une manière de montrer qu’il n’est plus celui qu’il était.
Ce roman souligne à quel point les gens ont le pardon difficile et à quel point il est compliqué de faire oublier ses erreurs passées. On peut corriger un scénario de film très facilement mais lorsqu’il s’agit de la vie d’une famille il en va tout autrement.

Steve Tesich était un auteur vraiment talentueux, son texte est très bien écrit, habilement mené, bourré de réflexions intelligentes mais aussi d’humour. Une réussite complète.
Le texte original date pourtant de 1996. La France aura du attendre 2012 pour enfin le découvrir. Un autre roman de Steve Tesich semble prévu pour 2014. Je l’attends avec impatience.
En tout cas, un grand merci et encore un grand bravo aux éditions Monsieur Toussaint Louverture pour nous avoir permis de découvrir un auteur de talent.
Cherry_Livres
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 22 févr. 2014

Critique lue 363 fois

2 j'aime

3 commentaires

Cherry_Livres

Écrit par

Critique lue 363 fois

2
3

D'autres avis sur Karoo

Karoo
ArbitreDuMepris
8

Critique de Karoo par ArbitreDuMepris

Livre étrange. Il fait partie de ces livres étranges, pas spécialement bien écrits (traduits ?), qui empilent les maladresses dans son premier tiers - du moins, croit-on dans un premier temps - ,...

le 22 juin 2012

28 j'aime

4

Karoo
La_Chariotte
3

Critique de Karoo par La_Chariotte

Ca a été une souffrance de lire Karoo. Une véritable souffrance, parce que d'ordinaire quand un livre m'emmerde je le lâche. Mais il y a quelque chose dans ce livre qui a fait que j'y suis retournée...

le 8 juil. 2012

18 j'aime

11

Karoo
Nanash
9

Critique de Karoo par Nanash

[Ecouté en audiolib] J'ai cru tout du long que le sujet du livre c'était la chute d'un homme désabusé et manipulateur. J'ai cru que pour ma critique je me focaliserai sur le personnage principal Saul...

le 20 sept. 2013

15 j'aime

2

Du même critique

Journal d'un vieux dégueulasse
Cherry_Livres
9

Critique par Aaliz

Les gens ont parfois besoin qu’on leur mette une grande claque dans la trogne et faut reconnaître que le grand Buko excelle en la matière. D’entrée de jeu, rien qu’avec le titre, il nous met dans...

le 22 févr. 2014

9 j'aime

Les Cavaliers
Cherry_Livres
10

L'Afghanistan ... avant...

Participer au bouzkachi royal de Kaboul, chevaucher à travers les hauts sommets et les vallées de l’Hindou-Kouch, parcourir les allées du bazar et rester bouche-bée devant les gigantesques statues de...

le 22 févr. 2014

4 j'aime

Karoo
Cherry_Livres
10

Critique de Karoo par Aaliz

J’espère vraiment que le phénomène de la liseuse et des e-books ne mettront pas un terme au livre papier. Comment aurais-je pu flasher sur Karoo sans accroche visuelle ? Son design épuré, naturel,...

le 22 févr. 2014

2 j'aime

3