Qualifié de roman coréen phénomène, Kim Jiyoung, née en 1982 ne connait pas ce succès prodigieux par hasard, au pays du matin calme. S'il se se présente sous la forme d'une fiction, il est étayé par un nombre impressionnant de données chiffrées qui en font, aussi, un manifeste accablant, digne d'une étude sociologique, sur la prédominance masculine en Corée du Sud et ce dans toutes les phases de l'existence : naissance (un garçon est bien mieux accueilli qu'une fille, c'est un euphémisme), école, mariage et, surtout, travail. Là, le plafond de verre n'est pas un vain mot et, à travers les expériences de l'héroïne de son livre, plus ou moins tirées de la propre vie de l'auteure, Cham Nam-joo, le constant est cinglant sur l'inexistence de mixité aux postes de responsabilité et la différence de traitement (dans le sens financier, aussi) des unes et des autres, ces derniers, les mâles patentés, étant naturellement privilégiés. La romancière réussit parfaitement à trouver un équilibre entre l'aspect presque journalistique de son travail et son récit teinté parfois d'humour. Ce n'est pas une grande œuvre littéraire que nous propose Cham Nam-joo mais son style direct est efficace et l'on s'attache à son personnage de Kim Jiyoung dont on suit l'existence depuis son arrivée sur terre jusqu'à ses troubles identitaires de la trentaine. S'il est profondément ancré dans la culture coréenne et son fonctionnement social, le livre a aussi valeur universelle tant l'égalité des sexes, à tout âge, est rarissime sur la planète et ce, sans qu'il soit besoin d'un étendard féministe pour l'affirmer. Kim Jiyoung, née en 1982, sans emphase ni militantisme exacerbé, mérite d'être lu et commenté, et pas seulement le 8 mars de l'année en cours, cette fameuse journée internationale du droit des femmes qui disparaîtra quand les inégalités ne seront plus que de l'histoire ancienne. D'ici là, la lutte continue.