Kong
7.7
Kong

livre de Michel Le Bris (2017)

Combien de vies peuvent-elles être contenues en une seule ?
Même expérimentée de longue date, la chose garde intact son potentiel de stupéfaction: quand certains êtres humains restent cantonnés à une simple et terne tâche toute leur existence, d'autres cumulent les expériences comme le ferait un troupeau de porcs avant d'avoir été balancés.


Prenez Merian C. Cooper.
En résumant, nous voilà face à un C.V. qu'aucun scénariste n'accepterait, par total manque de plausibilité: pilote de chasse pendant la première guerre mondiale, prisonnier de guerre, fondateur d'une escadrille à l'origine de l'aviation polonaise, journaliste au Times, aventurier et réalisateur de documentaires sensationnels dans les années 20, producteur de cinéma, co-fondateur de la PAN-AM, directeur de la RKO, membre des tigres volants en 1940, et pote de John Ford (dont il produira les plus grands films).


Ah, et j'oubliais: à ses heures perdues, imagina et réalisa King Kong.
Ce qui contribua au redressement de l'industrie cinématographique en plein effondrement dans l'Amérique post crise de 29.


Ce genre de parcours stupéfiant, on l'imagine bien, ne peut pas s'arpenter seul. Les choses ont surtout été possibles quand le renversant bonhomme rencontra son âme sœur, Ernest B. Schoedsack, avec qui il formera une sorte de couple parfait, synchrone dans l'absolutisme, complémentaire pour le reste.


Un couple qui commença par traverser les montagnes avant de se rendre compte qu'ils pouvaient les soulever.
Sans oublier, surtout, les femmes presque aussi incroyables que le duo bigger than life qu'ils étaient devenus: Maggie, Ruth, Fay ou Dorothy.


On ne saurait donc pas résumer ces 900 pages à la simple genèse d'un des films les plus marquants du 20ème siècle. Cette entreprise démesurée -mélanger un film d'horreur et un conte de fée (Wray)- semble au contraire marquer l'aboutissement, presque sage, de deux destinées incroyables et romanesques, liées par le plus profond et le plus tacite des pactes.


Car c'est surtout, on le comprend vite, le récit d'une obsession. Dire le réel. Rendre compte du gouffre noir de la guerre, et de manière encore plus urgente au moment où la bête semble prête à relancer sa course monstrueuse. Dire le réel par la fiction. Et donner à un monstre le visage de l'humanité pour inverser le regard.
Car au fond, quoi de plus fantastique que le réel, et de plus réel que le fantastique?
Un effort titanesque et absolu, à la jonction de milles et une nouveautés technologiques qui balbutiaient encore, qui faillit terrasser son créateur, plus encore que ne l'avait fait la guerre, matrice de toutes ses obsessions et de la pulsion fondamentale que Merian partagea avec Ernest.


Jubilation supplémentaire pour le cinéphile qui sommeille en chacun de nous, le livre est un témoignage bouillonnant sur la vie des grand studios hollywoodiens au moment où un virage essentiel se joue.


Et à la fin de ces 900 pages haletantes, l'envie immédiate de recommencer le livre.

guyness
9
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le 1 déc. 2017

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guyness

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