Un livre dont le thème est le mensonge et la tragédie que celui-ci peut engendrer lorsqu’il est mené à son paroxysme. Il s’agit d’une description simple et sans fioritures de l’engrenage vertigineux qu'engendre l'alimentation constante de ce mensonge pendant des décennies. Il y a un mensonge oui, mais un mensonge qui ne cache rien, un mensonge qui ne recouvre que le néant d’une existence sans signification. Derrière ce néant, une angoisse, une peur qui est tellement vive pour le menteur qu'au moment où ce mensonge pourrait s'effondrer, celui-ci préfère détruire le réel que de prendre le risque que le rideau se lève sur son jeu de chiffon. Le meurtrier préfère tuer tous les êtres qui ont donné le véritable sens de sa vie, de ceux qu’il disait aimer, plutôt que de tomber dans le vide de ce néant sans fond.


Emmanuel Carrère a une plume claire et objective qui ne juge pas, il questionne l'universalité de ce que ce mensonge recouvre, est-ce une folie commune dont chacun peut ressentir les causes ou autre chose que seul le meurtrier a accès et peut décrire. Son intérêt principal ne se porte pas sur les victimes mais sur le bourreau. Il a une correspondance avec lui, il lui pose des questions et découvre finalement que le meurtrier n’a pas de réponse et qu’il semble attendre lui même les réactions des autres pour pouvoir choisir ses réponses et son attitude. Il s’agit d’un homme automatique qui change de masque pour maintenir le même programme, que ce soit comme docteur aimant, assassin malheureux ou repenti religieux, il ment, escroque et dialogue pour pouvoir être remarqué et apprécié mais au fond pour ne jamais faire face au dévoilement véritable.


La question reste ouverte sur ce qui s’est réellement passé avec cet homme qui a trompé et tué tous ses proches. En prison, ses visiteurs catholique qui le soutiennent, sa conversion et sa pratique assidue de la prière et le titre du livre me laissent penser que le véritable thème du livre est le mal. L’adversaire est le nom donné à Satan, au diable, soit la représentation du mal dans la mythologie religieuse monotheiste. Il est celui qui trompe, qui ment, qui déçoit et mène à la mort. L’auteur semble l’invoquer en filigrane et nous raconter une de ses incarnations dans notre monde. Un très bon récit qui ne donne pas de réponse mais qui a ouvert chez moi des questionnements sur la frontière entre la psychiatrie et l'esprit religieux.


mseyne
6
Écrit par

Créée

le 19 nov. 2022

Critique lue 13 fois

mseyne

Écrit par

Critique lue 13 fois

D'autres avis sur L'Adversaire

L'Adversaire
EricDebarnot
9

Mensonges, mensonges !

Il y a - même ceux qui n'ont pas lu le livre le savent - à la source de "l'Adversaire" d'Emmanuel Carrère, l'un des "faits divers" (terme erroné en l'occurrence) les plus terribles et vertigineux qui...

le 18 sept. 2014

11 j'aime

L'Adversaire
Tom_Ab
8

Le fait divers comme tragédie

Jean-Claude Romand n'est pas un monstre. Jean-Claude Romand est un homme. C'est ce que rétablie Emmanuel Carrère au terme de son livre, non pas pour minimiser les crimes ou excuser l'assassin, mais...

le 4 mars 2016

9 j'aime

2

L'Adversaire
Sanders
8

Une vie moyenne

Un homme est ce qu'il cache, disent en substance beaucoup de romanciers, et l'on songe sinon à sa grandeur, du moins à un supplément, du moins à quelque chose. Peut-être, avant d'être ici, a-t-elle...

le 9 sept. 2014

8 j'aime