Y'AI'NG'NGAH, YOG-SOTHOTH...
Sans se voiler le face, il faut se le dire : malgré le génie de Lovecraft, il existe une indéniable constance dans ses histoires de terreur. On prend un héros masculin d'âge moyen, cultivé, et bientôt pris au piège par les phénomènes auxquels il est confronté, puis on rajoute des descriptions censées provoquer la peur (à savoir des écritures inconnues, des odeurs nauséabondes, des architectures bizarres...), et on mêle tout ceci à la mythologie inventée par Lovecraft. Aucune recette secrète dans son œuvre, vous conviendrez. Mais dans ce cas, pourquoi accorder du crédit à un type qui nous sert toujours le même plat, juste parce qu'il est considéré comme "culte" par toute une génération de geeks ?
Parfois, il m'est arrivé de penser ainsi. La dernière fois, c'était juste avant de commencer ce livre, "L'Affaire Charles Dexter Ward". Il n'était pas question ici de lever le nez sur quelque chose qui ne me plaisait pas, mais je dois l'avouer : oui, je reviens régulièrement à Lovecraft, par période pour éviter l'indigestion.
On a donc ici un roman, ce qui est plutôt inhabituel vu que le bonhomme écrivait le plus souvent des nouvelles. La recette précédemment décrite est mise en place avec brio. Le style est le plus souvent descriptif, ce qui amène à des phrases super longues, pas franchement faciles à suivre.
Pourtant, l'effet est là : la Peur nous prend au bide. Malgré une probabilité forte de trouver l'œuvre de Lovecraft prévisible, on est toujours surpris de lever les yeux du livre, et de se sentir observé.
La mise en abime au début du livre, quand le narrateur relate des évènements qui se sont déroulés dans le passé, nous offre une certaine dimension assez réaliste, grâce à la collecte de nombreux témoignages. La scène dans la crypte est un petit bijou de terreur. La mythologie accompagne un tout pourtant cohérent.
Malgré tous les reproches qu'on pourra faire à Lovecraft, je ne peux me fier qu'à moi-même : le petit frisson et la sensation d'être épié me prouve simplement que Lovecraft a toutes ses raisons de résider au panthéon des auteurs d'épouvante.