Jésus, éternel et accablant signe de contradiction !

L’affaire Jésus est un court ouvrage pertinent et agréablement dérangeant. La première partie est peu convaincante et datée. Exploiter les différences entre les évangiles pour les disqualifier est simpliste. Récuser les miracles, les positivistes s’y sont employés. Plus spécieux encore serait la marotte de voir en toute concordance entre la vie de Jésus et l’Ancien Testament une manipulation postérieure de Paul ou des évangélistes : si Dieu est tout puissant, comment lui interdire toute manifestation de prescience ? Pourquoi serait-il contraint de respecter les lois imposées à sa création ?

La suite est passionnante. Henri Guillemin nous livre sa fascination pour celui qu’il appelle le Nazaréen, qu’il veut croire vraiment ressuscité. Le fait est irrécusable, il lui convoque de surprenants défenseurs, ses amis Jaurès et Rousseau, Hugo et Robespierre. Cet homme de gauche fustige la grande et millénaire peur des possédants et l’égoïsme des bien-pensants. Citant le grand Hugo : « il n’y rien à faire avec un athéisme réactionnaire, un athéisme bourgeois (…). C’est un athéisme sans charité, sans espérance (…) on ne peut rien attendre (de lui), que cendre et poussière, parce que tout n’y est que mort et cendré. » S’il déplore les innombrables péchés de l’Église catholique et romaine, son tropisme pour le pouvoir, son respect des puissants, il lui reconnaît le mérite d’avoir suscité des saints lumineux souvent brimés, de leur vivant, par leur propre hiérarchie, et d’avoir maintenu une attention préférentielle aux plus pauvres. Mieux, « si le message, parfois, se voile la face en traversant le messager », ce message unique et universel demeure, grâce à l’Église, crédible et audible. « Parce que, trahissant et retrahissant la Parole qu’elle avait mission de répandre, l’Institution, en même temps, conservait intacte cette Parole qui la condamnait. »