Just like a woman

Un ouvrage intéressant que cette Alchimie de la pierre.

Le roman est à mi-chemin de la fantasy et du steampunk. L'histoire se déroule dans une ville (jamais nommée) dont les bâtiments les plus importants ont été érigés, pour ne pas dire façonnés, par des gargouilles il y a plusieurs siècles. Ces anciennes créatures sont les protectrices de la ville, mais désormais sur le déclin, elles se contentent d'observer les agissements des humains qui la peuplent.

Et des agissements, il y en a ! La cité, dirigé par un duc aux pouvoirs somme toute limitée, est l'enjeu d'une lutte séculaire au parlement entre les Alchimistes d'une part, et les Mécaniciens de l'autre. Les premiers concoctent potions et onguents en tout genre, tandis que les seconds ont doté la ville d'automates plus ou moins intelligents et de toutes sortes de machineries à engrenages et à vapeur.

C'est dans cette riante cité que nous rencontrons Mattie, la narratrice, une automate d'un genre très particulier. Il s'agit en effet d'une "machine" intelligente (et j'emploie les guillemets à dessein) très poussée puisqu'elle est capable d'empathie, et de ressentir tant les sentiments que la douleur physique.

Émancipée (et le choix de ce mot ne me semble pas anodin) par son maître, elle est devenue une alchimiste reconnue, mais elle-même se définit avant tout, comme automate et femme.

Et c'est là le point fort de ce récit. Le caractère profondément féminin de cette automate, sa volonté farouche d'être considérée comme un individu à part entière et pas comme un tas de ferraille, de s'affranchir définitivement de son maître en s'appropriant la clé qui lui permettrait de se remonter quand elle en a besoin, bref, d'être une femme libérée comme chantait l'autre (et même si je déteste la chanson en question, mais c'est pas le sujet)

L'écriture d'Ekaterina Sedia laisse la part belle aux émotions et au ressenti de Mattie et est très juste dans leur expression. Les personnages du roman sont très réussis, nimbés d'un voile de mystère pour certains d'entre eux, et on prend plaisir à les voir évoluer sous nos yeux.

Le personnage de Mattie est très touchant, avec son double questionnement quant à sa nature de machine et de femme, et on se plaît à suivre ses tourments sentimentaux, ses colères, ses angoisses... Un formidable portrait de femme (et pas de robot !)

L'ambiance générale du roman m'a plutôt fait penser à Perdido Street Station de China Mieville, avec une ville sale, viciée, mêlant diverses ethnies et mâtinée de technologie rétro-futuriste. Le personnage principal en revanche, m'a fortement fait penser à La fille automate de Paolo Bacigalupi. Ces deux romans m'ayant fortement plu, c'est sans surprise que celui-ci m'a convaincu.

Reste à savoir si ces références obscurcissent mon jugement et si L'alchimie de la pierre mérite le 8/10 dont je le gratifie. Soyons honnête, peut-être pas, mais un bon 7, à l'aise quand même.