Vous connaissez peut-être Super Mario Maker, ce jeu ou plutôt ce logiciel, qui permet de créer son propre niveau de Super Mario au moyen de toute une série d’assets mis à disposition du joueur tirés des épisodes iconiques de la série (décors, items, mécanismes, ennemis, musiques…). De quoi créer des niveaux inédits dans des environnements pourtant très familiers. Et bien, c’est un peu l’impression finale qui transpire de cette Ame du Mal.
Il y a ainsi deux façons de percevoir L’Ame du Mal qui est, pour ce qui me concerne, le premier roman que je découvre de Maxime Chattam.
D’un côté, il s’agit d’une lecture d’été (ou plutôt une écoute d’été, via Audible, dont il convient de souligner l’adaptation exemplaire avec 2 lecteurs, quelques bruitages, de la musique d’ambiance de temps à autre…) diablement efficace qui se parcourt d’une traite. Peu de temps morts, une envie continue de connaître la suite. Une vrai page-turner en puissance. Un prologue mystérieux, un twist vraiment inattendu dès la première partie du roman, une écriture apparemment bien documentée et une fin qui ne tombe pas dans le happy end. En bref, un vrai thriller « made in France » se déroulant dans la région de Portland aux Etats-Unis, sur fond de tueur en série et de magie noire, que l’on croirait écrit par Thomas Harris en personne…
D’un autre côté, aussi efficace que soit le récit de Chattam, il y constamment cette impression de déjà-vu, déjà lu. Ce petit arrière-goût de copie carbone de livre de tueur en série à l’américaine écrit par un Français qui cherche à cocher toutes les cases. Et c’est vrai, on m’aurait dit que le livre avait été écrit par un auteur américain, que je n’y aurais rien trouvé de surprenant. Le problème, c’est que même si on le replace dans le contexte de sa sortie en 2002, à cette date, Thomas Harris a déjà publié Dragon Rouge (1981), Le Silence des Agneaux (1988) et Hannibal (1999) et la série Profiler a déjà été usée jusqu’à l’os durant 4 saisons sur NBC, puis sur M6. En dehors du premier twist inattendu peu après le début du livre, il n’y a par la suite plus rien de très surprenant et le second twist habillé d’oripeaux teintés de surnaturels est prévisible comme jamais. Il y a peu de fausses pistes, pas beaucoup de surprises et tout semble un peu éventé. Maxime Chattam trouve même le moyen de recycler le vieux truc du prologue dans le passé apparemment sans lien avec la suite du récit (façon Bernard Werber, que l’on retrouvera également chez Jo Nesbø dans Le Bonhomme de Neige) mais dont on devine à l’avance que sous son aspect anodin, il est d’une manière ou d’une autre la clé du récit. Même les motivations du « tueur » et son modus operandi ont un goût de réchauffé… Enfin, le style de l’auteur (syndrome du premier roman ?) est parfois engoncé artificiellement dans un registre trop littéraire qui ne sied pas trop au genre (Maxime Chattam a apparemment fait une fixette sur le verbe « sourdre » recyclé à toutes les sauces…).
Certes, mais l’on ne peut nier que l’ensemble est très efficace (on prend du plaisir à suivre l’histoire, c’est bien l’essentiel), que les personnages sont dans l’ensemble intéressants (Juliette Lafayette, Camélia McCoy) ou finissent par gagner en épaisseur (comme l’irritant Bentley Cotland) et que le récit est bien rythmé. En prime, l’épilogue en forme de cliffhanger -quoiqu’un peu « téléphoné »- ouvre directement la porte sur une suite.
A voir donc sur la durée (Chattam va-t-il recycler ad nauseam les mêmes ficelles dans ses autres romans ?), mais en l’état, L’Ame du Mal est loin d’être une lecture honteuse et est même tout à fait recommandable pour se vider la tête pendant l’été, pour qui a un minimum d’affinités avec le genre.