C'est, rapidement, l'histoire de deux lycéens habituellement solitaires qui sympathisent : Hans (juif) et Conrad (fils d'une des plus vieilles familles nobles de l'Allemagne, dont le seul nom impressionne et force le respect). Nous sommes sur les bancs du lycée de Stuttgart, dans l'Allemagne de 1932 alors que l'influence de Hitler grandit rapidement.
Je connais peu de livres sur cette période d'avant guerre. Ceux sur la Shoa ne se comptent plus, mais il y en a nettement moins (du moins, à ma connaissance) sur la montée du nazisme. Ecrit par un Allemand, qui plus est. Car cette période, ce lourd passé est encore tabou en Allemagne. Ce livre témoigne donc d'un sujet habituellement tu.
Uhlman ne s'étend pas sur le traumatisme qu'il a vécu. D'ailleurs, ses parents l'on rapidement envoyé aux USA. Ce court roman ne nous livre donc que quelques mois de l'année 1932, uniquement le moment où tout a basculé, lorsque le poison instillé par les nazis a commencé à faire son œuvre, quand les juifs ont commencé d'être stigmatisés.
Au lycée, le vieux professeur en titre a été remplacé par un autre. On imagine immédiatement, lorsque celui-ci entre dans la classe, que les nazis commencent à placer un peu partout des hommes à eux. Début de la propagande qui devait faire s'effondrer les relations patiemment tissées entre les individus, toute la structure de la société de l'époque. Et dès que le nouveau professeur ouvre la bouche, les derniers doutes s'évanouissent. Voici le préambule de ce premier cours :

« Aux environs de l'an 1800 avant Jésus-Christ, certaines tribus aryennes, les Doriens, firent leur apparition en Grèce. Jusqu'alors, la Grèce, pauvre région montagneuse habitée par des gens de race inférieure, sommeillait, impuissante, patrie de barbares, sans passé et sans avenir. Mais peu de temps après la venue des Aryens, la scène changea complètement et, ainsi que nous le savons tous, la Grèce s'épanouit en la civilisation la plus brillante dans l'histoire de l'humanité. Et maintenant, avançons dans le temps. Vous avez tous appris comment une ère d'obscurantisme a suivi la chute de Rome. Croyez-vous que le fait que, peu de temps après la descente en Italie des empereurs germaniques, la Renaissance ait commencé, soit un pur hasard ? Ou n'est-il pas plus probable que c'est le sang germanique qui fertilisa les terres italiennes, stériles depuis la chute de Rome ? Est-ce une simple coïncidence si les deux plus grandes civilisations sont nées si peu de temps après la venue des Aryens ? »

Hallucinant, affreux... les adjectifs ne manquent pas. Et historiquement faux. D'ailleurs, les élèves ne s'y trompent pas et une discussion houleuse s'engage après le départ du professeur. Presque tous fulminent : il ne se trouve que les cancres pour trouver un certain crédit à ce discours raciste. Mais peu à peu, le poison gagne et Hans finit par être pris à parti.
Après son départ aux USA, le récit fait un bon de 30 ans en avant. Hans est toujours aux USA et il nous explique que, traumatisé, il n'a jamais pu revenir en Allemagne qu'il ne considère plus comme son pays. Parler allemand lui répugne et il prétend, chaque fois qu'il rencontre des Allemands, ne plus suffisamment parler la langue.
Les deux dernières lignes de ce magnifique petit livre donnent tout son sens au titre.
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le 22 juin 2012

Modifiée

le 16 août 2012

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