Il n'y a rien d'immuable dans la vie, tout change en permanence. Le temps est le témoin impavide de ces changements. L'Amour aux temps du choléra - le pluriel a son importance - c'est l'histoire de l'irrémédiabilité du temps qui passe. On traverse les époques, on glisse d'un siècle à l'autre, et l'on subit auprès des personnages le côté fatidique de la mortalité. On assiste impuissants aux affres de la vieillesse. Tout s'étrécit en permanence : le livre s'ouvre d'ailleurs sur la chambre d'un suicidé, et on ne quitte jamais vraiment l'odeur de la mort. Le suicidé d'introduction c'est un homme qui n'a pas voulu vieillir, qui préfère la radicalité du suicide à l'embarras de la vieillesse : "je ne serai jamais vieux", dira-t-il.


Le temps est un ennemi. Il éloigne l'adolescent amoureux de l'instant du premier regard qu'il a porté sur l'être aimée. Dès lors que ce regard se pose et croise le sien, un sablier se met en marche. Et chaque jour qui passe l'éloigne de ce moment qui a déterminé toute sa vie. Car non, le protagoniste de L'Amour aux temps du choléra - cette fois c'est le singulier qui a son importance - ce n'est pas un suicidé qui ne veut pas vieillir. C'est un idéaliste, un grand romantique, un amoureux intransigeant : il n'y en aura pas d'autres, ce sera elle ou personne. Alors oui, rien n'est immuable, tout change, le temps passe, mais qu'est-ce que ça vaut face à l'amour d'un tel homme ? Pas grand chose. Et voilà donc le seul élément inflexible de ce roman : le cœur de Florentino Ariza, ce personnage qui incarne à lui tout seul l'espoir d'une vie.


Les personnages ont des airs de condamnés. Chaque situation, chaque lieu, chaque personnage, aussi secondaire soit-il, transportent avec eux la certitude de la mort. Cette dernière est sans limites. Mais alors pourquoi tant d'obstination de la part de celui qui nous intéresse le plus ? Comment un cœur peut-il être à la fois aussi enflammé et aussi patient ? La réponse, qui arrive dans les dernières lignes et qui écrase de tout son poids le reste du roman, est pourtant simple. Une révélation illuminée, magique, irrévérencieuse : "plus que la mort, c'est la vie qui n'a pas de limites."

-Dream
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le 23 oct. 2024

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