Comment Stefan Zweig, alors homme de vingt cinq ans, peut-il décrire avec tant de justesse et de précision, de douceur et de compassion, les amours, les troubles et les sentiments extatiques d'une jeune fille qui devient femme ?
L'amour d'Erika Ewald, c'est la chronologie d'une première passion, d'un premier amour pur, d'une première amitié. Ce sont les palpitations d'une jeune femme qui s'éprend sincèrement et puissamment d'un jeune homme, et qui veut garder ses sentiments de toute "souillure" érotique. C'est la déception et l'errance, le deuil de sentiments trop irréels et idéels pour survivre au monde. C'est la découverte de la part de cette même jeune femme que l'érotisme et l'amour physique font partie intégrante de l'Amour et l'acceptation de cette part de l'être humain, si peu conforme aux visions romanesques des élans amoureux.
Tout cela, Zweig sait le dépeindre avec subtilité et psychologie, en se plaçant dans le cœur et l'esprit d'Erika, avec une acuité et une perspicacité rares. Et bien sûr, une écriture riche, pleine de paysages pittoresques dans la Vienne du Jahrhundertwende.
PS : Attention à la traduction Straub&Thiele (lue en Pocket Bilingue) qui force le trait en traduisant "Sehnsucht" systématiquement par "nostalgie". "Sehnsucht", c'est bien plus que la nostalgie, c'est l'envie d'ailleurs, c'est l'attraction vers le lointain, le Haut, le Parfait peut-être même (sehnen + suchen : désirer (la rechercher de l'étoile, ou plus prosaïque) et chercher).