Ce recueil de Jack London (1907) contient huit magnifiques nouvelles du Grand Nord. Avec une robuste simplicité, l'auteur nous entraîne dans des récits poignants où l'homme est confronté à des conditions extrêmes et doit faire preuve d'héroïsme pour survivre.
Dans « l’Amour de la vie », un chercheur d’or est abandonné par son partenaire dans une région septentrionale du Canada, sans armes et sans provisions. Blessé, il doit supporter la douleur, mais aussi le froid et la faim, ses plus implacables adversaires. Dans un style dépouillé, le grand Jack London raconte les souffrances de cet aventurier, jusqu’aux limites de l’endurance humaine. Son désespoir, ses hallucinations, ses derniers soubresauts pour se cramponner à la vie, tout cela est dépeint avec un réalisme âpre et même cruel. Et voilà que dans sa lente agonie, l’homme rencontre un ennemi qui le suit à la trace: un loup malade, aussi faible que lui, mais tout aussi déterminé à vivre. Ce face-à-face, qui ne laissera qu'un vainqueur, entraîne un retour à l'animalité.
Chez London, les immensités glacées emprisonnent les personnages et déchaînent les passions, parfois jusqu'au drame. Ainsi, dans « L’imprévu », trois chercheurs d’or sont contraints de passer l’hiver ensemble dans une cabane. Pendant ce huis clos, la convoitise s’allume dans les cœurs, conduisant au meurtre. Dans « Le logement d’un jour », ce sont des rivaux en amour qui doivent cohabiter au cœur de l’Alaska. Quant à « La piste des soleils », elle est celle qu’empruntent deux jeunes gens avides de vengeance ; leur haine implacable et destructrice est aussi forte que la volonté de vivre qui anime la première nouvelle.
L’un des récits les plus marquants du recueil est « Loup Brun ». Cousin de Croc-Blanc et de Buck (voir « L’appel de la forêt »), ce chien nordique a été recueilli par des maîtres californiens qui l’aiment et le dorlotent. Pourtant, Wolf entend encore l’appel du Grand Nord, qui l’attire malgré son lot de souffrances. Quelle existence choisira-t-il?
Plusieurs histoires mettent en scène des Amérindiens. Ainsi dans "La manière des Blancs", Jack London donne la parole à deux vieillards abandonnés par leur tribu après avoir perdu leurs fils par la faute des colons. Cette nouvelle raconte l'incompréhension entre les autochtones et les Européens, dont les mentalités sont pleines de duplicité. Les Amérindiens sont, eux, célébrés pour leur bravoure. "Négore le lâche" se déroule en Alaska au XIXème siècle, alors que les autochtones luttent contre les Russes. Tandis que sa tribu est pourchassée par les Russes, l'Indien Négore va sacrifier sa vie pour gagner l’amour de sa belle et l’estime de son peuple. "L'histoire de Keesh", enfin, ressemble davantage à une légende: il y a fort longtemps, un Indien orphelin âgé d'à peine "treize soleil" devient tueur d'ours pour nourrir sa tribu; serait-il un peu sorcier?
Qu'ils se déroulent en Alaska ou au Canada, ces récits font la part belle aux animaux, à la nature et aux traditions indigènes. Ils possèdent cette authenticité, cette force captivante qui happe immédiatement le lecteur. Pourtant aucune des impitoyables réalités du Grand Nord ne nous est épargnée. Ces nouvelles donnent toute la mesure du talent de Jack London, immense écrivain ayant lui-même mené une vie aventureuse dans ces régions inhospitalières du globe. J’ai adoré !