« Héritiers maudits d'un effrayant geste collectif attisé par une féroce répression sexuelle qui, trente ans plus tôt, a profané le corps d'une femme et marqué leurs destins respectifs du sceau de la désespérance », quatre hommes dont les liens ne sont pas connus de tous quittent Paris pour Alger. Ils tentent, chacun, de fuir, d'honorer la dernière demande d'une mère défunte, de retrouver un enfant ou encore de se recueillir sur les vestiges de l'atrocité commise trente ans auparavant.
Je ne peux en raconter plus sur ce texte court, de peur de vous dévoiler certains de ses mystères, dont les liens se dénouent au fil de ce voyage initiatique sur les terres originelles. Mais un extrait s'impose :

« Le temps est mort. Le peuple algérois, suspendu. Les abribus, les entrées d'immeubles et les trottoirs, les tavernes, les jardins publics, les abords des fenêtres et les parkings sont de vastes salles d'attente. En réalité, je crois que personne n'espère plus rien mais les corps, eux, demeurent figés dans l'expectative. Les yeux écarquillés, les bustes penchés vers l'avant, les bras tendus, eux, peut-être y croient encore...
Accordant des délais, des échéances. Pensent que les horloges exilées hors des terres retrouveront un jour le chemin du retour. Quant à moi, je compte tout ce qui est à proximité. Trompe des secondes qui ont déjà rompu. Et cette gangue lourde qui colle à la peau me rappelle que même le ciel est sans issue. » page 79

De sa plume bouleversante et sans appel, Kaoutar Harchi, vingt-quatre ans, il convient de le préciser, signe une vibrante fiction (« car les gens ne croient plus en la vérité mais seulement en la fiction, en l'invention d'un malheur qu'ils disent exagéré, faux, alors qu'il est le leur, le nôtre », page 118), dressant un constat au vitriol de l'Algérie contemporaine, dont les enfants sont voués à ne rien attendre de plus que leur misère. Des générations d'hommes et de femmes perdus, frustrés par une vie mortifère, une sexualité bridée, des interdits religieux et des traditions ancestrales auxquels la jeune Kaoutar rend un bel hommage, sans chercher à pardonner leurs crimes, mais en racontant leur histoire, aussi terrible soit-elle. Une des révélations de la rentrée, tout simplement magnifique.

Article en intégralité sur mon blog (http://culturez-vous.over-blog.com/article-kaoutar-harchi-l-ampleur-du-saccage-roman-120-pages-actes-sud-aout-2011-15-83068295.html)
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le 1 sept. 2011

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