Critique de L'An 2440 par TmbM
Pour le reste, même si sa lucidité est souvent entravée par son trop grand optimisme, L'An 2440 est incontestablement l’œuvre d'un utopiste et le précieux témoignage d'un lettré de son temps...
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le 29 août 2021
Eh bien oui, c'est un livre très surprenant. Non pas qu'il s'agisse à proprement parler de science-fiction (il y est question de science, parmi mille autres sujets) mais on ne peut mieux qualifier Louis-Sébastien Mercier que de rêveur. La politique est un sujet central dans cette utopie, d'ailleurs, le "traité" a tendance à envahir l'espace de la fiction au début, ce qui rend aride les premiers chapitres, les premiers "tableaux" de L'An 2440. Il n'y a pas d'autres intrigue que celle d'un personnages venu du XVIIIe siècle marchant dans le Paris du XXVe siècle et discutant, avec un homme de ce dernier siècle de leurs époques respectives. Et puis non, finalement Mercier ne parle pas tant que ça du XXVe siècle (pas plus que Montesquieu parle des persans) il parle plutôt en creux, mais de façon constante, du XVIIIe siècle.
J'ai lu dans une pièce de vers ceux-ci :
« Ces rois enorgueillis de leur grandeur suprême
Ce sont des mendiants que couvre un diadème »
En effet, ils demandant sans cesse et c'est le peuple qui paie la robe de l'auguste mariée, le festin, le feu d'artifice, la broderie du lit nuptial ; et dès que le poupon royal sera né, chacun de ses cris se métamorphosera en nouveaux édits.
Toi qui traverses les campagnes en songeant peut-être au vaisseau qui porte tes trésors et sillonne les mers, arrête, imprudent ! Tu foules aux pieds une herbe obscure et salutaire qui ferait germer dans ton cœur la joie et la santé. C'est un plus riche trésor que tous ceux dont ton navire peut être chargé.
Les tableaux de L'An 2440 décrivent toutes les institutions, les mentalités, tous les rouages de cette société qui n'a rien d'idéal* à mes yeux mais qui est cohérente ― à vrai dire inhumainement cohérente ― ; les notes de bas de pages de Mercier (celles qui sont indiquées par une lettre de l'alphabet chez La Découverte) répondent à cet exposé qui serait souvent ennuyeux sans cela (Mercier est parfois très drôle) : c'est l'énergie-même du texte qui est celle d'une conversation, non pas entre deux personnages mais entre l'auteur et son livre, en quelques sortes. Il y a chez Mercier une folie qui se joint bien à sa foi exubérante en l'homme : celle d'embrasser tous les sujets possibles pour recréer le monde (sciences, donc, mode, littérature et instruction, santé, criminalité, religion le tout avec cette teinture d'encyclopédiste à la Robert Burton). Il y a aussi dans cette belle langue de Mercier, avec son cachet dix-huitième, un lyrisme qui, déjà, fleure bon le dix-neuvième et le romantisme.
*: La monarchie existe toujours, les hommes sont devenus vertueux (et donc chrétiens) en règle général, ceux qui se rendent coupable d'actes ou d'idées mauvaises subissent l'exclusion et l'opprobre.
Lu du 18 au 26 février 2020. 294 pages – La Découverte
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Créée
le 27 févr. 2020
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