L'Anneau-Monde, tome 1 par Jonas Lenn
Le jour de ses deux cents ans, Louis Wu est contacté par un Marionnettiste de Pierson, extraterrestre bicéphale, qui l'invite à rejoindre une expédition multiraciale, chargée d'explorer un artefact spatial aux dimensions stellaires, anneau-monde orbitant autour d'un soleil. Cet objet singulier pourrait bien être la clé d'une menace qui pèse sur la galaxie et annonce un exode massif des créatures intelligentes. Dans cette affaire, le terrien s'embarque avec le Marionnettiste, créature cyclothymique et manipulatrice, considéré comme fou sur sa propre planète, mais aussi avec un Kzin, félin orange au caractère exécrable, issu d'un peuple ennemi juré de l'Humanité, ainsi qu'avec une femme dont il vient tout juste d'en faire sa maîtresse et qui, par la plus étrange des coïncidences — mais en est-ce bien une ? — se trouve figurer sur la liste des personnes pressenties pour l'inquiétant voyage aux confins de l'espace.
En dépit d'une ampleur propre au genre, les distances stellaires et la vastitude de l'artefact — mille milliards d'humains pourraient y vivre largement à leur aise — , Niven met en place une sorte d'huis clos psychologique où le suspens tient moins au mystère de l'artefact qu'à l'évolution des interactions entre les personnages ainsi qu'aux motivations et enjeux de l'expédition même. Lorsque les différences engendrent la peur et poussent des êtres dissemblables à se battre, rien de tel qu'un péril commun pour les amener à une coopération, premier jalon vers une cohabitation pacifique.
L'Anneau-monde est un livre profond, où il est question de l'évolution, du hasard piloté et de l'émergence, mais c'est aussi un livre drôle, parfois même désopilant, qui s'appuie cependant sur une culture et une vision scientifiques aiguës. Un chef-d'œuvre, il va sans dire — publié pour la première fois en 1970, il n'a pas pris une ride — , qu'il convient de relire ou de découvrir, ne serait-ce que pour comprendre ce que lui doivent des œuvres actuelles comme Omale, de Laurent Genefort ou Mondes et démons d'Aguilera.
(Critique parue dans Galaxies 38 en septembre 2005 et lisible sur Noosfère.com)