La littérature enterrée dans le pré
La solitude est une des choses les plus pesantes qui soient dans une vie. Parfois, il ne reste que les petites annonces pour la briser. C'est ce vers quoi se tourne Paul, un quinquagénaire, agriculteur dans le Cantal. De son côté, c'est Annette qui rédige une annonce depuis son Nord natal. Deux vies, deux réclusions qui vont se rencontrer.
Pour Paul, c'est la ferme qui régit tout. Il est arrivé là si jeune quand ses parents l'ont confié avec sa sœur Nicole à l'attention de deux oncles, vieux garçons qui n'ont toujours connu que cette exploitation agricole. Ni Paul ni sa sœur ne se sont jamais mariés et aujourd'hui les oncles sont des octogénaires qui s'agitent encore un peu et trouvent leur réconfort avec Lola, la chienne.
Nicole s'occupe de certaines tâches de la ferme, mais elle aide également des personnes âgées du village. Aigrie sans être mauvaise femme, elle ne va pas être tendre avec les nouveaux venus. En effet, Annette n'est pas seule, car elle vient à la ferme avec son fils Eric. De Didier, le père d'Eric, on va découvrir l'alcoolisme, la violence et la prison où il purge actuellement sa peine.
Annette est issue d'une de ces familles d'ouvriers du Nord, de ces générations sacrifiées au capital qui les jette sans égard pour les sacrifices acceptés par ce prolétariat d'usage. Sans travail, il lui faut se reconstruire ailleurs et permettre à Eric de ne pas subir l'image de ce père emprisonné. Cette nouvelle vie dans la campagne profonde est une occasion à ne pas manquer.
Si tout se passe bien entre Paul, Annette et Eric, si ce dernier est accepté par la chienne Lola, il n'en est pas de même avec le reste de la famille. Même si les oncles s'expriment peu, Nicole ne ménage pas ses reproches aux étrangers. L'amour devrait vaincre ces obstacles, mais le lecteur ne le saura pas.
En effet, ce roman est essentiellement composé de scènes, parfois actuelles, parfois du passé, d'avant la rencontre, d'après l'installation. Il n'y a pas d'ordre préétabli et l'ouvrage se termine sur une scène ordinaire qui n'est même pas porteuse d'un quelconque message. On peut également se dire que des personnages trop lisses n'intéressent pas les lecteurs, il n'est cependant pas nécessaire de recourir à la caricature pour forcer l'intérêt.
Des lieux communs poussés jusqu'à la nausée s'enchaînent. Ainsi ces paysans sont rustiques et taiseux. Nicole et ses oncles ont du mal à accepter ces étrangers ; cette dernière souffre même d'un racisme sans borne à l'endroit des non-Européens. Quant aux gens du Nord, ouvriers de père en fils, ils sont dépeints au travers d'un alcoolisme congénital et n'hésitent pas à battre leurs femmes à cause de leur violence atavique.
Si Marie-Hélène Lafon écrit bien et plutôt avec aisance, on regrettera les phrases longues comme le bras et ces virgules si absentes. C'est une chose bien étrange qu'un professeur de lettres classiques qui semble ignorer quelques-unes des règles littéraires de base de la langue qu'elle est censée enseigner. Ce n'est même pas de la littérature de gare ; ce n'est pas de la littérature.