Le roman de Psichari, auparavant introuvable et réédité judicieusement par La Délégation des Siècles (c.f. leur site Internet) avec une couverture verte dans laquelle se profile le visage du grand militaire, nous mets directement aux prises avec des sentiments élevés, puissants, nobles, "mâles" (terme qui revient à plusieurs reprises dans le roman) ; on ne lâche plus ce livre et il pénètre des ressorts profonds de notre sensibilité de Français.
C'est un immense roman de formation vitaliste sur l'appel de l'armée par un jeune paysan, adoubé par un officier de sa connaissance du nom de Timothée Nangès. Mais c'est aussi un roman sur l'amour, l'amour des femmes et des paysages français de province. Nulle doute que Psichari a écrit là avec son cœur et sa sensibilité ; le roman est ainsi parsemé d'aphorismes, de réflexions, d'appels qui évoquent le meilleur des écrits de Barrès (voire le surpasse peut-être par un côté moins lapidaire, moins "guindée"). Aucun sentiments bas dans ce livre : Nangès est la crème de l'armée française d'alors, et il va élever le jeune Maurice Vincent, dans lequel il perçoit son fils d'adoption, au rang qui est le sien, au courage, à l'héroïsme, à la dureté envers soi et, enfin, à l'appel du lointain, là-bas, en Afrique française, là où les militaires et colons accomplissaient l'immense Œuvre française de la colonisation et devenaient enfin eux-mêmes, en conquérant une terre et en se conquérant eux-mêmes, par l'aventure, les valeurs guerrières, le soleil des terres africaines, qui leur donnait une soif de vie que la France n'offrait guère plus.
Ce roman est de ceux que la France publiait abondamment en cette fin de 19ème siècle et début 20ème. Le roman, d'une très haute poésie par moments, est tout à la fois du terroir, de la vie concrète, des émotions amoureuses et religieuses les plus tendres et honnêtes, avec une célébration permanente de la France de toujours, ainsi que des dialogues entre des cadres militaires d'un grand intérêt. C'est à ce moment-là de l'histoire littéraire de France que l'on a compris la France, ce qu'elle incarnait et représentait, grâce au Prince de la Jeunesse qu'était Barrès, dont Psichari est l'héritier évident.
"L'Appel des Armes" parle encore à notre cœur car le personnage de Nangès est peut-être ce père que nous aurions aimé avoir, cet homme Alpha absolu, ce Chad qui élève ceux à qui il donne sa sympathie à sa dimension de force et de volonté. L'armée, comme l'avait vu Psichari, avec l'Eglise est le dernier rempart au monde moderne, le dernier sanctuaire des hommes intacts sur lesquels n'a pas passé un gramme de sable du vent de la modernité et des valeurs "humanitaires". Roman inactuel et puissant, il saura parler aux jeunes patriotes et nationalistes avec toute l'ardeur d'un écrivain qui maîtrise sa plume et dépeint avec ivresse toutes les palettes d'émotions parfois contradictoires que Nangès et Vincent traversent individuellement, mais surmontent à chaque fois grâce à leur volonté indomptable. Une œuvre essentielle à faire découvrir.