La force du livre de Jérôme Fourquet est de parvenir à élaborer une radiographie de la société française du XXIe siècle sans verser dans l'exhaustivité et en mettant bien en lumière une thèse centrale et audacieuse : si la France est une société-archipel aujourd'hui, c'est parce que la matrice catholique qui unifiait auparavant tous ces blocs hétérogènes s'est disloquée, au profit d'un monde totalement balkanisé, où des ilôts d'intérêts divergents s'affrontent sans violence mais semblent s'éloigner de plus en plus les uns des autres. L'individualisation amène à l'hétérogénéité et à la fin de la communauté. Mais verse-t-on pour autant systématiquement, lorsqu'on devient individu à part entière, dans ce que l'auteur nomme l'archipelisation ? L'individu n'est-il pas capable de faire société ? C'est la principale limite que j'opposerais à son analyse : afin de confirmer sa thèse de départ, Fourquet assimile parfois un peu rapidement tout signe de différenciations comme une manifestation de sa théorie de la nation-archipel.
Mis à part cette réserve, il faut dire qu'on apprend énormément de choses sur la France d'aujourd'hui et celle (un peu) d'hier, surtout dans la mesure celle-ci permet d'éclairer le présent. Il ne contourne pas la question de l'immigration, thème souvent mis de côté par la pensée dite progressiste. En toute honnêteté, il expose les chiffres, dessines les courbes et les graphiques (superbes), pour décortiquer le vote FN et ainsi, ouvrir la porte de l'empathie pour ceux qui ne raisonnent que par l'intellect.
Un document précieux pour qui veut mieux comprendre la France de demain.