L'histoire de Modesta est simple et limpide comme peut l'être la liberté. Son histoire est pourtant mouvementée, compliquée, controversée et revêt décidément de nombreuses et obscures facettes. Rien que par le style le roman nous entraine en différents univers: minimalistes, théâtraux, romantiques. Quelqu'un pourrait dire que l'œuvre en sort "irrégulière", mais pour moi ce style représente les différents sentiments que l'on pourrait vouloir expérimenter dans une vie. Nous nous efforçons d'être fidèle à nous-même, mais nous changeons irrémédiablement. Et c'est peut-être ça l'art de la joie: vivre, changer, évoluer et continuer à croire fermement à ce que l'on dit, fait ou pense.
Modeste, qui me reste encore en mémoire, est tout sauf modeste, car elle clame silencieusement (parfois de façon sournoise et rusée) sa volonté de vivre comme elle l'entend sans trop y regarder à deux fois. Elle le fait par tous les moyens possibles et ne se s'encombre pas d'être une femme dans la Sicile des années '20 pour suivre ses propres lignes de conduite.
Le personnage est parfois impudique et semble loin des doutes, et pourtant il m'a offert les clés pour accéder à un sens d'heureuse souveraineté, délicate et sereine. Les évènements de la vie qui s'impose à elle sont considérés sans détour et même dans leur cruauté et douleur, ils sont continuellement transformés pour devenir affirmation de soi et des sentiments. L’histoire porte à dévoiler toutes les conventions sociales, même les plus minimes, qui pourrait ne serait-ce qu’effleurer l’équilibre libertaire que Modeste se construit jours après jours. À travers la connaissance d’elle-même, elle démonte l’un après l’autre, aux prix de sacrifices et d’efforts, les mécanismes toujours présents d’une culture qui ne réussit à concevoir la liberté qu’avec des conditions (!).
Goliarda Sapienza n'est pas une romancière de formation, et l'écriture s'en ressent par son inégalité, mais elle réussit à crée un personnage entier, réel, cohérent de par son incohérence, qui offre au lecteur une furieuse et joyeuse envie de vivre libre. Et pour moi, c’est devenue comme une bonne paire de vieilles chaussures, usées et confortables.
Minouette
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le 10 mars 2015

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Minouette

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