Bon, autant le dire tout de suite : je suis une immense fan de Zola. Germinal est, pour moi, un chef-d’œuvre absolu, Au Bonheur des Dames est une merveille, L’Œuvre m’a fascinée, et La Faute de l’Abbé Mouret m’a transportée. Autant dire que j’avais de grandes attentes en abordant L’Assommoir. Et pourtant…
Évidemment, on retrouve tout ce qui fait la force de Zola : une plume incroyablement immersive, une reconstitution saisissante du Paris populaire du XIXe siècle, la Goutte-d’Or grouillante de vie avec ses ouvriers, ses petits commerces, sa misère omniprésente. La question de l’alcoolisme, qui semble être le cœur du roman, est bien là, mais finalement elle ne prend pas autant de place qu’on pourrait l’imaginer. Et c’est peut-être là que réside le problème.
Zola construit un roman choral, où les voix des personnages s’entrelacent, se superposent, se noient parfois dans un flot ininterrompu de disputes, de beuveries, de dettes, de linge à laver et de petits commerces qui s’effondrent. Je comprends que cette cacophonie soit voulue, qu’elle serve à donner l’image d’un monde populaire bruyant, vivant, mais à force, tout se mélange, et le récit devient confus. Là où Germinal nous emporte dans un souffle épique, L’Assommoir nous enferme dans un cycle redondant et pesant, où chaque scène semble être une répétition de la précédente.
Et c’est dommage, car Zola excelle d’habitude dans la profondeur psychologique de ses personnages. Ici, Gervaise traverse le roman comme une victime résignée, et même si son destin tragique est touchant, il ne m’a pas bouleversée comme celui de Denise Baudu. Il y a une dureté extrême dans le portrait du peuple que dresse Zola ici, une absence totale d’échappatoire, une vision fataliste où chacun s’enfonce inexorablement dans la misère et la déchéance. Bien sûr, Zola cherche à être fidèle à son naturalisme, à montrer la réalité sociale telle qu’elle est, mais j’ai trouvé cette noirceur écrasante, sans la tension dramatique qui rend Germinal ou Au Bonheur des Dames si prenants.
Et surtout, j’ai trouvé la lecture laborieuse. À un moment donné, je n’en pouvais plus des discussions interminables sur l’argent, les dettes, les trente sous à rendre, les disputes au lavoir, les beuveries interminables, les scènes au cabaret qui se répètent encore et encore… J’ai fini par abandonner à la mort de Maman Coupeau, lassée par cette impression de tourner en rond.
Je comprends pourquoi L’Assommoir a pu diviser à sa sortie. C’est un roman qui frappe par sa brutalité et son réalisme cru, mais qui m’a laissée assommée par sa répétitivité et son manque d’oxygène. Pour moi, ce n’est pas un Zola abouti, et je ne le relirai pas.