1880, Paris. L’Académie Julian est connue pour avoir instruit les premières femmes peintres, alors même que l’Ecole des Beaux Arts leur était refusée. Quelques peintres prestigieuses en sont issues, dont la jeune aristocrate russe Marie Bashkirtseff (dite Mousse), Louise Breslau ou encore Amélie Beaury-Saurel dont un pastel* est à l’origine du roman, auxquelles Sylvie Gibert ajoute un personnage imaginaire, Zélie Murineau.


Sur ce fond artistico-historique, l’auteur imagine une enquête policière menée par Alexandre d’Arbourg, un séduisant commissaire qui souhaite mettre à profit les talents d’observatrice de Zélie pour résoudre quelque bourgeois mystère. Nous voici donc embarqués dans une enquête mêlant trafic d’alcool, enlèvement d’enfant, tentative de meurtre par empoisonnement, suicide, faussaire, épidémie de crises de folie…


A une époque où les femmes n’étaient acceptées qu’avec réticence dans le milieu de la peinture et où l’académisme faisait encore loi (le naturalisme n’en était alors qu’à ses balbutiements et les impressionnistes conspués), et tandis que nos apprenties peintres se soucient surtout de savoir si leurs oeuvres seront acceptées pour être exposées au Salon, pour les besoins des enquêtes d’Alexandre divers milieux se téléscopent, au fin fond de la campagne dans des auberges louches comme dans les salons des grands bourgeois, avec la condition des femmes comme point commun : la difficulté, si ce n’est l’impossibilité pour les jeunes filles de sortir de leur milieu d’origine et de s’émanciper, de suivre leur vocation sous peine d’être frappées d’opprobre, l’obligation pour les bonnes d’abandonner leurs propres enfants pour élever ceux des autres, le souci vital des jeunes bourgeoises de trouver un mari richement doté et de devenir un bibelot pour le restant de leur vie, le paternalisme puant de certains hommes… Le contexte est excellemment reconstitué, une époque où l’art explosait tandis que les droits des femmes étaient inexistants.


Passionnée par la peinture du XIXe siècle et ayant lu il y a des années le journal de Marie Bashkirtseff, j’aurai voulu rester encore plus longtemps dans l’atelier Julian, partie qui m’a davantage intéressée que l’intrigue policière, mais les histoires sont habilement imbriquées et une à une les affaires seront résolues – sauf peut-être la plus épineuse puisqu’elle est d’ordre sentimental, sur laquelle je préfère laisser la surprise.


https://cestquoicebazar.wordpress.com/2016/05/31/latelier-des-poisons/

sophiebazar
8
Écrit par

Créée

le 31 mai 2016

Critique lue 125 fois

sophiebazar

Écrit par

Critique lue 125 fois

D'autres avis sur L'atelier des poisons

L'atelier des poisons
sophiebazar
8

Peinture et littérature

1880, Paris. L’Académie Julian est connue pour avoir instruit les premières femmes peintres, alors même que l’Ecole des Beaux Arts leur était refusée. Quelques peintres prestigieuses en sont issues,...

le 31 mai 2016

L'atelier des poisons
dahlem
8

L'atelier des poisons… quand les beaux-arts et la police s'allient

«Ce roman a pris sa source devant un très beau pastel d’Amélie Beaury-Saurel, Dans le bleu, une donation faite au musée des Augustins à Toulouse. Le présence forte du modèle m’a inspiré Zélie...

le 16 avr. 2016

Du même critique

The Girls
sophiebazar
10

A l'ombre des jeunes filles en pleurs

Californie, fin des années 60. Evie à 14 ans est une adolescente avide de liberté, cette liberté incarnée par ce groupe de filles qu’elle croise en ville -ce qu’elle considérera avec recul comme une...

le 22 août 2016

6 j'aime

Nous trois ou rien
sophiebazar
9

Un beau film bienveillant

Après avoir lutté pour la révolution sous le Shah, puis sous Khomeiny, Hibat et Fereshteh doivent fuir leur Iran natal. Arrivés dans la banlieue parisienne, c'est un autre combat, social cette fois,...

le 3 nov. 2015

6 j'aime

L'Arbre du pays Toraja
sophiebazar
10

Fort et remarquable

Chez les Toraja en Indonésie, la mort occupe une place centrale dans l'existence et les rites funéraires sont fondamentaux. Ainsi, entre les racines de l'arbre du Toraja, on dépose le corps des bébés...

le 3 févr. 2016

4 j'aime