L'Avare Tard
Je me suis totalement reconnue dans le personnage d'Harpagon. D'ailleurs on m'a volé ma trousse de maquillage il y a une semaine et je suis sûre que je sais qui c'est.
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le 2 oct. 2010
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L'Avare est, avec le Médecin malgré lui, la pièce la plus jouée de Molière par la Comédie Française. Ca pose le niveau ! Il s'agit également d'une des pièces les plus puissantes de Molière où celui-ci gardant quelques éléments de la farce s'en éloigne cependant pour concevoir une comédie complexe dotée d'une profonde réflexion sur la nature humaine.
Ce qui frappe, en premier lieu, c'est la qualité de l'écriture. Les personnages possèdent tous une voix différente. La Flèche est celle du valet venant du peuple et éduqué, Cléante est ce jeune homme dôté de vives émotions, Elise est réservée mais ne se laisse pas marcher dessus pour autant là où Mariane est effacée. Frosine possède la langue bien pendue qui est d'une évidence mal maîtrisée. Anselme est un cœur noble, Valère est un homme doté d'un bel esprit. Maître Jacques est un homme honnête mais parfois un peu revanchard. Même le commissaire de police parle avec une voix qui respire le respect des procédures et la confiance dans le peuple. Et Harpagon, comment ne pas parler de l'Avare qui file entre les mots d'esprits, la manipulation, la naïveté et s'embarque dans la folie la plus complète.
Les personnages sont extrêmement bien maîtrisée et l'humour, omniprésent prend bien des formes : quiproquo, bon mot, sous-entendu, coup de bâton, ridicule visuelle, redite. Les idées ne manquent pas et on rit de bon cœur.
Molière maîtrise d'autant plus son œuvre qu'il a créé une intrigue complexe commençant par montrer le couple Elise/Valère avant de l'effacer aux profils des soucis de Cléante, que ce soit pour ses amours, puis ses soucis d'argent avant de revenir à l'amour. On bascule alors à Harpagon et sa cassette avant de revenir à Valère et Elise pour un dénouement ultime. L'intrigue se développe, les multiples histoires s'unissent avec succès et sans complexité. Tout est bien amené. Je ne peux que penser aux Fourberies de Scapin où les deux intrigues amoureuses rendaient le dénouement difficile et gratuit. Là, c'est loin d'être le cas. L'Avare est une œuvre où le rythme, les répliques, l'humour sont autant d'élément parfaitement maîtrisés.
Mais le détail qui est le plus appréciable est sans nul doute le sous-texte de l’œuvre. Molière montre à quel point un vice peut devenir difficile à maîtriser, combien on sombre progressivement dans la folie et l'on devient aveugle à tout, sinon à son vice que l'on chérit. Il montre comment les vices ne peuvent être guéris et font d'un humain un non-humain coupé de tout. Il montre également comment une famille finit par se déchirer, par se haïr uniquement à cause d'un père trop vicieux.
La leçon de morale est dur à avaler, elle est dénuée d'espoirs. Et la fin, si fantasmé, n'apparaît que plus irréel tant on sent que Molière lui-même n'y croit pas. Harpagon est à la fois le personnage le plus humain, car le moins noble, mais aussi le moins humain car le plus mauvais, il est l'avarice plus qu'il n'est l'avare.
La puissante leçon de pensée de Molière est un plaisir pour le lecteur.
Malheureusement, deux défauts sont à relever de mon point de vue. Le premier est très subjectif : j'ai eu du mal dans l'enchaînement des actions. Non pour comprendre mais pour accrocher à tout cela, pour m'y plaire. C'est très subjectif, certes, mais ce serait mentir que de ne pas y penser.
Le second défaut est que Molière s'inspire d'énormément d'éléments pour l'Avare. Laulularia de Plaute l'inspire pour la perte de la cassette (une marmite chez l'auteur latin) ainsi que le mariage sans dot. Plusieurs autres détails s'y retrouvent (le diner, la méfiance envers la Flèche, le monologue). On retrouvera aussi les Belles Plaideuses de Boisrobert sur le fait d'emprunter chez un usurier à très haut taux et en étant totalement escroqué par l'homme. Enfin l'idée d'un valet qui soit fils de bonne famille et épouse la fille de la maison où il travaille en redécouvrant son origine sociale est un grand classique de la comédie italienne.
Au fur et à mesure du texte on se rend compte que si l'écriture et la maîtrise des personnages sont bien de Molière, les idées de l'histoire ne viennent pas du tout de lui. Alors certes, ça reste minime, mais les inspirations sont si nombreuses que je me sens le besoin de baisser la note d'un point. Ce n'est pas une inspiration petite d'un élément mais vraiment le fait qu'il n'existe dans l'ensemble de la pièce guère de scène qui soit vraiment de Molière.
Reste un classique de l'écriture et une leçon de morale avec beaucoup d'humour.
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Créée
le 14 mars 2016
Critique lue 5K fois
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