Plutôt qu'un polar, "L'eau rouge" est une fresque sur l'évolution de la Croatie de 1989 à 2017. Vingt-huit années qui vont la voir passer du statut de l'une des six républiques populaires de la Yougoslavie communiste à celui d'état indépendant après la guerre civile qui a sévi de 1991 à 1995.
Certes, le fil conducteur du texte est le mystère de la disparition de la jeune Silva, 17 ans, un soir de fête en 1989 mais, même si Jurica Pavicic a à coeur de maintenir l'intérêt de la longue enquête du frère jumeau de l'adolescente, je me suis davantage attaché à l'évolution des vies des personnages de ce roman choral. Tel Gorki Saint, le policier chargé d'élucider la disparition de Silva, qui travaille 15 ans plus tard pour des agences immobilières en "n'enquêtant plus sur des meurtres mais sur le malheur", le malheur de ceux que les aléas de l'existence contraignent à vendre les terrains auxquels ils étaient profondément attachés.
Jurica Pavicic décrit avec talent les lieux et les atmosphères, qu'ils témoignent des bouleversements de son pays ou se contentent plus prosaïquement de situer un moment de l'intrigue. et c'est avec finesse qu'il dépeint la psychologie des personnages que l'on pourra toutefois juger parfois un peu caricaturaux.
Un roman foisonnant à la potée documentaire certaine.