L'École des femmes
6.8
L'École des femmes

livre de Molière (1662)

Molière s’invite à l’Odéon ! Stéphane Braunschnweig revisite avec ingéniosité et sans lourdeur L’école des femmes, une pièce frappante par son actualité. On pleure de rire devant le ridicule point de vue d’Arnolphe qui tient sa femme isolée. Un genre de rire qui dénonce, surtout dans l’ère post #Metoo.


Rupture

Un français sur deux n’est jamais allé au théâtre. Il se le figure sans doute comme un lieu froid et distant, avec des costumes et une diction d’époque. Comme si le théâtre était un art immuable. En réalité, il est un constante évolution, dans un imperturbable mouvement. En effet, la scène d’ouverture présente Arnolphe (Claude Duparfait) et Chrysalde (Assane Timbo) en tenue de sport faisant du vélo elliptique. Un effet de décalage appuyé par un fond de musique pop, transposant les personnages moliéresques dans notre monde contemporain. Le faisceau de lumière rouge monochromatique scindant l’avant et l’arrière de la sobre et travaillée scénographie, crée lui aussi une rupture. Des couleurs me rappelant certains aspects des pièces de Cyril Teste comme Nobody ou Festen. Stéphane Braunschweig s’amuse à composer sur une ligne ambigu, illustrée par l’opposition du jeu très moderne de Laurent Caron (Horace dans la pièce) et celui très classique de Claude Duparfait (Arnolphe). La rencontre de l’Ancien et du Nouveau. Le mariage de la Comédie Française et de la Colline. Un thème du double, cher à ce metteur en scène respectueux du texte et des expérimentations


Modernité

Bien loin des règles du classicismes, Stéphane Braunschweig va faire apparaitre la modernité de cette pièce. Tant dans le fond que dans la forme. Dans une époque plus soucieuse du sort des femmes, le destin d’Agnès est un symbole d’émancipation. Elle vivra avec celui qu’elle aime -même si elle était condamné d’être avec lui de toute façon-. Le timbre de la voix de Suzanne Aubert (Agnès) et son large spectre de jeu m’ont subjugués. En moins de deux heures, elle rend nos esprits crédules à sa colère, sa candeur, sa furie et son innocence. Par ailleurs, Stéphane Braunschweig casse à deux reprises le quatrième mur, et de manière subtile : par la tirade d’Arnolphe assis sur le bord de scène, et surtout par la sortie finale du néo couple Horace-Agnès côté cour. Enfin, les interludes cinématographiques ont cognés ma sensibilité, élevée lorsque l’on parle du septième art. Les délicates images d’Agnès, allongée sur son lit, sous une douce lumière tamisée, donnent encore plus de chaire et de volupté à la pièce. Une mise en abîme avec l’image d’Agnès qui découpage silencieusement des images. Elles resteront dans ma tête, comme Molière dans mon coeur.

Aymericdt
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 28 nov. 2022

Critique lue 65 fois

Critique lue 65 fois

D'autres avis sur L'École des femmes

L'École des femmes
ngc111
7

Critique de L'École des femmes par ngc111

Molière savait écrire des pièces drôles, satiriques et empreintes de polémiques. C'est le cas de cette école des femmes qui remplit bien son contrat. Plaisante, la pièce ne provoque pas de fous rires...

le 26 sept. 2010

3 j'aime

L'École des femmes
White-Fangs
6

Critique de L'École des femmes par White-Fangs

Du Molière tout craché avec un barbon et des femmes, des dialogues intéressants mais on ne rit pas tant que ça, on est même pas vraiment entrainés par l'intrigue et ça reste mou du genou comparé aux...

le 13 nov. 2010

2 j'aime

Du même critique

Le Ravissement
Aymericdt
9

Une rencontre de mots

C’est d’abord une rencontre de mots. Lydia (Hafsia Herzi) est maïeuticienne - enfin sage femme. Milos est machiniste - enfin chauffeur de bus. Tard dans la nuit, quelque solitude et sommeil plus...

le 12 juil. 2023

4 j'aime

Hopeless
Aymericdt
10

Venez prendre une leçon !

Fermes les lumières, les portables, arrêtez de parler à l’ignorant situé à votre gauche et disposez de la leçon de cinéma offerte par Kim Chang-Hoon, qui pour son premier film surclasse bon nombre de...

le 2 juin 2023

4 j'aime

1

Les Belles Créatures
Aymericdt
10

Cinglant

Cinglant. Dans la région de Höfuðborgarsvæðið, qui concentre deux tiers de la population islandaise, la croissance démographique et l’élargissement urbain créent les mêmes incivilités et les mêmes...

le 22 déc. 2022

4 j'aime