Molière s’invite à l’Odéon ! Stéphane Braunschnweig revisite avec ingéniosité et sans lourdeur L’école des femmes, une pièce frappante par son actualité. On pleure de rire devant le ridicule point de vue d’Arnolphe qui tient sa femme isolée. Un genre de rire qui dénonce, surtout dans l’ère post #Metoo.
Rupture
Un français sur deux n’est jamais allé au théâtre. Il se le figure sans doute comme un lieu froid et distant, avec des costumes et une diction d’époque. Comme si le théâtre était un art immuable. En réalité, il est un constante évolution, dans un imperturbable mouvement. En effet, la scène d’ouverture présente Arnolphe (Claude Duparfait) et Chrysalde (Assane Timbo) en tenue de sport faisant du vélo elliptique. Un effet de décalage appuyé par un fond de musique pop, transposant les personnages moliéresques dans notre monde contemporain. Le faisceau de lumière rouge monochromatique scindant l’avant et l’arrière de la sobre et travaillée scénographie, crée lui aussi une rupture. Des couleurs me rappelant certains aspects des pièces de Cyril Teste comme Nobody ou Festen. Stéphane Braunschweig s’amuse à composer sur une ligne ambigu, illustrée par l’opposition du jeu très moderne de Laurent Caron (Horace dans la pièce) et celui très classique de Claude Duparfait (Arnolphe). La rencontre de l’Ancien et du Nouveau. Le mariage de la Comédie Française et de la Colline. Un thème du double, cher à ce metteur en scène respectueux du texte et des expérimentations
Modernité
Bien loin des règles du classicismes, Stéphane Braunschweig va faire apparaitre la modernité de cette pièce. Tant dans le fond que dans la forme. Dans une époque plus soucieuse du sort des femmes, le destin d’Agnès est un symbole d’émancipation. Elle vivra avec celui qu’elle aime -même si elle était condamné d’être avec lui de toute façon-. Le timbre de la voix de Suzanne Aubert (Agnès) et son large spectre de jeu m’ont subjugués. En moins de deux heures, elle rend nos esprits crédules à sa colère, sa candeur, sa furie et son innocence. Par ailleurs, Stéphane Braunschweig casse à deux reprises le quatrième mur, et de manière subtile : par la tirade d’Arnolphe assis sur le bord de scène, et surtout par la sortie finale du néo couple Horace-Agnès côté cour. Enfin, les interludes cinématographiques ont cognés ma sensibilité, élevée lorsque l’on parle du septième art. Les délicates images d’Agnès, allongée sur son lit, sous une douce lumière tamisée, donnent encore plus de chaire et de volupté à la pièce. Une mise en abîme avec l’image d’Agnès qui découpage silencieusement des images. Elles resteront dans ma tête, comme Molière dans mon coeur.