"Mais Absalon! Absalon! porte à l'extrême, de façon obsessionnelle, la complexité du récit faulknerien, toujours construit en arrière, vers le passé, dans une spirale vertigineuse. C'est la mémoire qui compte, qui gouverne l'obscurité foisonnante du récit, qui le fait avancer...Vous vous souvenez sans doute de nos conversations d'il y a deux ans...Hemingway construit l'éternité de l'instant présent par les moyens d'un récit quasiment cinématographique.... Faulkner, quant à lui, traque interminablement la reconstruction aléatoire du passé : de sa densité, son opacité, son ambiguité fondamentales... Mon problème à moi, mais il n'est pas technique, il est moral, c'est que je ne parviens pas, par l'écriture,
à pénétrer dans le présent du camp, à le raconter au présent... Comme s'il y avait un interdit de la figuration du présent...Ainsi, dans tous mes brouillons, ça commence avant, ou après, ou autour, ça ne commence jamais dans le camp...Et quand je parviens enfin à l'intérieur, quand j'y suis, l'écriture se bloque...Je suis pris d'angoisse, je retombe dans le néant, j'abandonne...Pour recommencer, ailleurs, de façon différente."