L'éducation sentimentale retrace le parcours d'un romantique et la fin d'un romantisme. Frédéric Moreau est encore jeune, bercé de rêves et d'illusions tout comme ses semblables. Une vie de fanfreluche à Paris attire davantage ce provincial qu'une morne gloire. Il n'y a pas encore plongé dans la vie de Paris, et sa saveur est d'autant plus délicieuse qu'il ne l'a frôlée que du bout des lèvres. Sa carrière ? Une formalité. L'argent ? Un vulgaire moyen de se réunir parmi les Grands de ce monde. Avec autant de motivation, autant de bon sens, comment pourrait-il échouer ? Cependant, sa vie est chamboulée, presque naturellement, lorsqu'il vient à rencontrer Mme Arnoux : coup de foudre, tout est blanc et balayé, son énergie est vampirisée. La société vivra sans Frédéric qui restera dans les coulisses à contempler un amour sacré.

Gustave Flaubert nous entraîne au milieu du 19e siècle, dans une France qui n'apprécie que de moins en moins son roi Louis-Philippe. Roman historique, conte initiatique, à la fois pourvu du courant romantique et d'une volonté de réalisme sociologique, le récit nous dépeint Paris et ses intervenants. Entre les parvenus bourgeois, les anciens aristocrates, les socialistes, les républicains, les amis et les amantes, les yeux de ce héros raté nous permet de parcourir les divers milieux de l'époque de manière à la fois lointaine et omniprésente.

L'histoire se concentre plus précisément sur les déboires du candide Moreau. L'éducation sentimentale ne porte pas pour rien son titre. Amoureux éperdu à ses dépends, incapable de se concentrer sur sa réussite, Frédéric se contente d'une faible situation sociale et passe son temps à fréquenter diverses relations. Le roman n'est qu'une suite d'expériences urbaines, un enchaînement d'exaspérantes tribulations qui gratteront petit à petit son innocence.

Flaubert écrit d'une plume sans faille. Entre les élans de passions et les vaines considérations, il n'hésite pas à emprunter l'ironie lors de certains épisodes avec l'habilité d'un maître. La distance du temps et son talent rendent le roman difficile à cerner dans son exhaustivité mais qui se plaindra d'un livre se relisant plusieurs fois ?

L'amour de Frédéric pour Marie Arnoux reste le pivot central de l'oeuvre. Un amour bien réel, qui idéalisé restera la seule part de pureté dans l'âme du jeune Moreau. L'auteur nous entraîne merveilleusement à travers ces rencontres du destin. Affection et pitié s'entremêlent dans cette valse maladroite. Chaque recul est un déchirement, chaque pas en avant est débattu avec soin.

Il y a quelque chose d'extraordinaire à voir autant de vide produire un résultat aussi poignant. Le dernier chapitre retranscrit cela parfaitement et la conclusion n'a rien de bouleversant : tout comme le livre, elle tire toute sa force dans le néant de la vie de Frédéric. Il aura passé sa vie à chasser les rêves et ne peut au final que ressasser des souvenirs sans consistances jusqu'à la fin de son existence.

Skidda
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le 24 oct. 2022

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