La collection « Les 50 plus belles histoires », issu de Timée-Editions, nous proposait au sein de ce parcours un détour du côté des jeux vidéo. Rien de plus logique de voir un tel sujet abordé pour des livres « ouverts sur Internet », autrement dit fournissant à qui le veut des compléments de lecture sur divers sites. Média de la synthèse par excellence, c'est le journaliste Vincent Montagnana qui se chargea de l'entreprise.
I) Cage et le cinéma, une préface simple et rapide
Côté préface, on retrouve David Cage signant deux petites pages en guise d'ouverture. Notre créateur français met l'accent sur le cinéma, comme à son habitude, et ses corrélations évidentes avec le jeu vidéo (le mépris originel puis le gain progressif d'une crédibilité, de l'attraction de foire à l'art noble). Cage termine sa préface en avouant que « l'interactivité sera la grande aventure artistique du XXIème siècle ». Il faut l'avouer, malgré certaines différences qui me séparent du fondateur de Quantic Dreams, je le rejoins bien sur ce point. En termes de recherches créatrices, le jeu vidéo est probablement le média le plus excitant. Là où d'autres domaine d'expression artistique, comme le cinéma, continue d'innover mais, ancienneté oblige, dans une moindre mesure. Bref, ouverture sympathique, bien que succincte, aux propos peu originaux malgré néanmoins pertinents.
II) Une segmentation un brin foutraque
Comme de nombreux, trop nombreux, ouvrages sur les jeux vidéo, L'Empire des jeux, retrace de façon plus ou moins fidèle l'histoire des jeux vidéo. La sacro-sainte chronologie des origines à nos jours. On passe donc du sempiternel Pong de Bushnell, aux mascottes de Sega, Nintendo pour rapidement injecter à ce séquençage ultra classique quelques visées originales.
La première partie, Press Start, propose, comme le fera tout l'ouvrage, en seulement deux pages, avec pas mal de textes et une ou deux illustrations, une présentation historique, une anecdote et parfois un peu d'analyse d'un jeu, d'une saga, d'un créateur. Un travail clair, rapide, un peu trop, mais souvent juste et pertinent. Une bonne sélection pour, dans ce premier chapitre, retrouver Centipede ou Asteroids.
Le second chapitre passe lui aux mascottes, Adventure Island et compagnie. Le propos général cherche ici à montrer pourquoi on relève une émergence de mascottes chez à peu près tous les constructeurs/développeurs. Incarnations des désirs créatifs et marketings qui commencent à se tramer dans le jeu vidéo.
Le troisième chapitre est déjà beaucoup moins évident, si l'on poursuit la logique des deux premiers. On nous parle de jeux très différents, pour s'en rapporter aux genres admis, certes pour montrer des licences qui décident de sortir du copié/collé Pong seulement le deuxième chapitre amorçait déjà cela. Bref, à partir de là toute cohérence s'envole pour ne laisser que des chapitres intéressants mais foutraques, se raccrochant plus ou moins au fil rouge de la chronologie esquissée dès le début du livre.
Un autre chapitre nous parlera des créatifs. On apprécie de trouver à côté de Miyamoto ou Molyneux des gens moins médiatisés mais tout aussi créatifs comme Richard Garriott ou Jeff Minter. Un effort à saluer pour un ouvrage qui se veut synthétique et, a priori, grand public.
Un court chapitre met lui en avant la « French touch » avec des gens comme Michel Ancel ou Philippe Ulrich. Passage connu, sans surprise donc, mais utile comme pour montrer aux profanes que les Français ont réussi de belles choses dans le domaine. A une certaine époque tout du moins...
L'avant-dernier chapitre cherche à brasser encore une fois encore trop d'éléments épars. On se retrouve à parler des Memory Cards de Sony ou de Tetris, jeu venu du froid. La logique est bien lointaine. Et pourtant, le livre demeure passionnant. Passionnant par son écriture, on retrouve aux manettes un journaliste de Chronicart, un des webzines culturels les plus intéressants grâce à des chroniques joliment écrites et souvent pertinentes (rien que pour leur approche). Dans le domaine des jeux vidéo, le webzine branché ne se contente pas des traditionnels, et soporifiques, tests comme on peut en lire sur les sites généralistes. On est bien dans des chroniques, de l'analyse, du fond, bref un vrai travail de critique.
III) Des oublis récurrents, une belle plume
Le dernier chapitre, avant des annexes gonflées à bloc à force de lexiques, de chronologies débordant de dates, aborde la question de la maturité du jeu vidéo en tant que média. On apprécie mais regrette tout de même de ne retrouver que des exemples connus. Où sont les point and click comme les productions de Kheops Studio, studio français fondé par des anciens de chez Cryo. Feu White Birds, où Sokal officiait ? C'est tout un pan des productions matures qu'on ignore...une fois encore.
Je parlais un peu plus haut de l'écriture mais au-delà de ce style vivant, bien que relevé dans le registre utilisé, c'est bien les anecdotes que le livre nous offre qui passionnent. Malgré des classiques maintes fois entendues, l'auteur arrive à nous faire découvrir de nouvelles petites choses sur un média que l'on connait pourtant bien. On retrouve l'anecdote du jour férié et de la traditionnelle sortie d'un nouveau Dragon Quest, le gouvernement obligé de forcer l'éditeur à ne plus sortir chaque nouvel opus en pleine semaine à cause des cours séchés en masse. Mais on découvre également l'aura d'un Chô Aniki au Japon ou encore les origines du lama chez Jeff Minter. Du connu et du moins connu.
IV) Conclusion
L'Empire des jeux n'a d'autre objectif que de fournir une synthèse ludique mais pertinente de notre média favori. Et le moins que l'on puisse dire c'est qu'il y arrive brillamment. Certes, l'ouvrage n'est pas épais mais réussi ce qu'il cherchait à faire. Voire, à aller un peu plus loin que la simple synthèse, en distillant une foule d'anecdotes passionnantes, un début de réflexion (rien que par son séquençage et les courtes introductions de chaque chapitre), le tout porté par un style agréable comme on aimerait en voir plus souvent sur les sites généralistes.