Depuis quelques temps, je découvre la fantaisie à la française. Que ce soit des auteurs comme Jacques Abeille et son Cycle des Contrées ou encore, Stefan Platteau et son Sentier des Astres. Deux auteurs qui arrivent à dépasser le cadre de la fantaisie, pour s'affranchir des codes et donner à lire quelque chose de vaste. Alors quand j'ai entendu parler de L'empire s'effondre, j'étais un peu excité par la proposition. Un disque-monde à la sauce steampunk sur fond de révolution sociale, c'était trop beau pour être vrai.

Oui, c'était trop beau pour être vrai. Déjà, donnons notre ressenti final sur ce premier tome. C'est un bon roman de gare. Divertissant et correct à lire mais sans plus.

Je m'attendais à un univers riche et complexe, très orienté sur un prisme social, digne des plus grands romans révolutionnaires du siècle passé ou même de Zola... je suis naïf. Il est vrai que cela commence plutôt bien. S'ouvre à nous, un univers plat, dans un empire où la population est répartie dans des castes sociales, obéissant à des règles et à des objectifs différents, dont la combinaison fonde l'unité et la toute-puissance de l'empire. Une société qui se fonde sur une religion polythéiste où chaque dieu représente une caste. Chaque caste ayant un rôle différent dans la société. Les ingénieurs, les savants, les militaires, les religieux etc. Le tout étant dirigé par un conseil des dirigeants de chaque caste supérieure dont eux-mêmes dominés par des impératifs religieux. Les hérésies sont sévèrement traquées et brutalement réprimées par les Inquisiteurs. L'empire n'est pas seul dans ce "cercle-monde" où la technologie se fonde sur la vapeur mais dont les créations ne différent pas de notre monde. On a des camions, des pistolets, des usines, des avions, des tanks etc. Le tout "à vapeur" !

Et c'est déjà le premier point noir. La technologie est très présente mais pour un univers qui se fonde sur la technologie, avec des castes qui y sont spécialement dédiées, elle n'est jamais développée. D'autant que les personnages principaux Léonore Azur et Alfred de Pergoal sont eux-mêmes des ingénieurs. La technologie reste à l'arrière-plan tout en étant au centre de l'intrigue mais on en effleure à peine la surface. Je ne demande pas des explications scientifiques précises mais c'est tout un pan de l'univers qui n'est pas développé.

Ensuite, sur l'aspect social de l’œuvre. Il n'y a pas grand-chose. Si les premières pages tendent à nous montrer la misère dans laquelle vit une bonne partie de la population de la capitale de l'empire, la révolution sociale est inexistante. Il n'y a que des émeutes. Et la foule n'est qu'une plèbe qui apparait comme assoiffée de sang, majoritairement composé de violeurs (le viol a un grosse place dans la première partie de livre...). Mais le roman ne tire rien de son aspect social. D'autant que la révolution du peuple est étouffée au profit des intrigues politiques et de la guerre civile opposant le Triumvirat au prince Phébus, un militaire luttant par les armes contre la décadence de l'empire. Conservateurs contre réactionnaires, un chouette programme ! (vraiment).

Les personnages sont assez bien écrits et développés. On fait un peu de psychologie, sans véritable profondeur mais ça se suffit à soi-même. Les personnages, bons comme mauvais, deviennent sympathiques au fil des pages et je commence à me prendre d'affection pour Astrée de Saint-Ange ou Léonore Azur. Mon seul bémol étant la non-mort d'Alfred. C'était un peu dramatique et j'étais un peu ému mais la résurrection prévisible (sinon pourquoi trimbaler le corps sur des miles) vient gâcher ce plaisir. Mais, il manque un véritable intrigue de cour avec des complots politiques à tous les étages. En cela, je trouve le roman limité parce qu'on sent qu'il pourrait prendre de nombreuses directions et prendre en densité et complexité mais il n'en fait rien. Il se contente de dérouler une intrigue simpliste et parfois, grossière.

Quant au monde en lui-même, il n'y a pas grand-chose à en dire. Passé les premiers instants à songer aux Annales du disque monde, l'Empire est semblable à la France et son rival, le Royaume Volant de Tallid est semblable à l'Angleterre. Rien de bien intéressant. Si ce n'est que c'est plat. Enfin, il y a deux "cercles-mondes" au final, une révélation qui nous décentre complètement de la guerre civile.

Parce que, pour rajouter à tout ceci, les dieux existent, malgré tout un discours athéiste de la part d'Alfred, et ils ont un dessein pour l'Empire. Et la guerre civile n'est finalement pas le fait des hommes. Ce qui tombe comme un cheveu dans la soupe. Ici et là, on a quelques passages qui nous rappellent d'autres œuvres de fantaisie dont l'inspiration est évidente. Peut-être pas jusqu'à la repompe totale mais un peu quand même, notamment une scène avec Léonore grimpant sur un bûcher funéraire (oui comme dans GoT). Ce n'est pas un crime non plus mais bon on était en droit de s'attendre à mieux que simplement cela.

Il n'y a que éléments de fantaisie éparse, notamment un oeuf et la résurrection d'un personnage, qui viennent casser le côté scientifique et "réaliste" du livre pour prendre une direction qui n'est pas forcément la bienvenue lorsqu'on vient pour lire un ouvrage mélangeant Zola et le steampunk.

Force est de reconnaître que si le livre ne tient pas ses promesses et que les critiques dithyrambiques qui lui sont faites sont sans doute quelque peu exagérées, il n'en reste pas moins divertissant et agréable à lire (quelques scènes impliquant l'art de la fesse). Mais réussissant néanmoins à aiguiser ma curiosité, je vais me procurer le tome 2. Histoire de me divertir encore un peu.

Un bon roman de gare mais sans plus.

Adanberos
5
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le 8 juil. 2023

Critique lue 53 fois

Adanberos

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