Sylvain Prudhomme a d’abord un style : des phrases mots succèdent à celles enchevêtrées de propositions aux formules précieuses et évocatrices. Ce travail de dentellière est un régal que l’on déguste dès la lecture des premières lignes. Puis, le sens de l’intrigue happe rapidement avec une phrase de deux pages pour révéler un secret qui ne se dit toujours pas ! Ce jeu de cache-cache s’effectue pendant six pages. En chemin, il y eut un cimetière, des visages boursouflés de douleur, et un croque-mort qui se prend pour un psychologue, et enfin la colère de Simon, le narrateur.
L’enfant dans le taxi commence par la rencontre entre une fermière et un soldat français que ses parents hébergent au bord du Lac de Constance. Puis, à la suite d’un enterrement, les langues se délient à la fin de la cérémonie. Alors, plutôt que d’avoir à expliquer pourquoi le petit-fils, Simon, est venu seul, un invité s’attarde avec lui sur l’existence de M., qui devient quelques lignes plus loin, le fils allemand de Malusci, le grand-père enterré.
Au fur et à mesure que Simon doit gérer sa famille monoparentale, il s’appuie sur certains membres de la famille pour chercher les réponses à un secret que tout le monde connaît mais dont personne ne parle. Certains, même, cherchent à l’en empêcher. Mais, l’esprit libéré de Simon lui permet de se pencher sur cette histoire dont il reconnaît, lui-même, qu’il ne sait vraiment pourquoi elle l’attire.
Évidemment, l’écrivain échappe à tous les points attendus du genre. Il surprend tout le temps et jusqu’à la fin : un fils caché mais si proche, un amour pendant la guerre dont déjà l’écrivain a parlé dans un précédent roman et le narrateur découvrant sa nouvelle vie familiale.
Sylvain Prudhomme crée une partie de cache-cache littéraire menée entre le récit du ressenti de son narrateur, Simon, qui essaye de s’inventer un nouvel équilibre et la recherche d’un oncle, lointain et pourtant déjà si présent. Mais, réduire L’enfant dans le taxi à ces deux axes ne peut rendre compte de sa puissance narrative.
Sylvain Prudhomme maîtrise parfaitement les codes de l’intrigue et ceux de la fiction. Et, le court roman L’enfant dans le taxi le prouve en déplaçant un déni vers une nouvelle ouverture de la généalogie familiale quitte à en inventer tous les paragraphes !
Chronique illustrée ici
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