Chaudement recommandé par des amis, je me suis mis à la lecture de L'enfant dans le taxi avec de bons a priori car j'avais en plus apprécié Par les routes.
Mais dès les 20 premières pages, le livre m'a agacé puis vraiment énervé. Le style ressasse en permanence des interrogations ou des actions que le personnage aurait pu faire, mais qu'il ne fait pas, par lâcheté, par pudeur ou tout simplement par impuissance généralisée. Ce sera comme ça pendant presque tout le livre : le personnage n'agit jamais directement. Les seules informations qui lui parviennent sur un sujet qui soi-disant l'obsède lui viennent de l'extérieur et il n'en fait rien. Les phrases s'enchainent et s'entrecoupent pour montrer l'empêchement du personnage, enfilant parfois trois clichés pour préciser une idée sans originalité sur le doute ou la mélancolie.
La structure même du roman reflète bien l'indécision de l'auteur sur ce qu'il veut dire. C'est un récit entrecoupé de scènes sans rapport avec l'intrigue principale, la découverte d'un fils caché que son arrière grand-père avait eu pendant sa période d'occupation de l'Allemagne vaincue. Le personnage est séparé, s'occupe de ses enfants, se sent seul ou puissant après avoir fait l'amour lors d'un colloque (sachant qu'il n'a pris aucune initiative à nouveau). On nous parle d'une balade autour d'une propriété privée où 2 tombes préhistoriques sont devenues inaccessibles. Bien. Quel rapport, sinon vaguement symbolique avec l'intrigue ? Le fait que le narrateur soit empêché d'accéder à son passé par une vieille matriarche à qui il obéit ? Que ce soit sa situation de père qui le pousse à s'intéresser à ce passé familial éteint ? Cela ne vole pas haut et surtout, ce n'est jamais creusé. Le narrateur, comme le personnage, reste impuissant, collé à la surface des choses, frêle esquif sans vision, sans courage. D'ailleurs, et c'est symptomatique, le narrateur ne travaille jamais. Il est censé être écrivain et pas une fois il n'évoque son labeur. C'est une sorte de pur esprit qui glande. Ses descriptions sont idéalistes et souvent, je me suis esclaffé devant des paragraphes de descriptions convenues du Sud (ah, le soleil, la mer à travers la vitre, le café sur la nappe de mamie...)
Pour finir - et c'est peut-être le nœud du malentendu entre le ce livre et moi - qu'est-ce que cela peut bien foutre qu'un de nos ancêtres ait eu un enfant 70 ans plus tôt ? C'est un inconnu et il le restera. Le narrateur en fait un support de fantasmes pour se distraire de sa séparation douloureuse, rien d'autre. Pas de politique (pur esprit vous dis-je), pas de réel (oh Franz est lui aussi adopté, quelle surprise), pas de réflexions explicites sur la toxicité de la famille ou notre dépendance à celle-ci.
Ce livre est une arnaque d'un écrivain sans inspiration, écrivant un livre sur son manque de courage et son incompréhension des enjeux du réel. Qu'il soit très apprécié en octobre 2023 ne me surprend pas : la situation politique anxiogène incite beaucoup de gens à se détacher du réel, à faire le dos rond en attendant que cela passe hypothétiquement, à qualifier de vie réelle ce qui n'est qu'une survie lâche et indécise.
Le grand secours de Thomas B. Reverdy ou l'Echiquier de Jean-Philippe Toussaint sont des contre-exemples parfaits de ce livre, sans parler d'Amour, de F. Bégaudeau qui, s'il reste lui aussi à la surface des choses, travaille le réel par son parti pris stylistique et son projet.