Ça faisait un bon moment que je n'avais pas lu un pavé de fantasy aussi prenant et réussi (peut-être bien depuis le Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski).
Celui-ci s'annonce comme le premier tome d'une trilogie [EDIT, alors en fait non, ce sera une heptalogie, de l'aveu même de l'auteur], dont le second volet est annoncé pour dans une dizaine de jours, et sans fausses pudeurs, je peux d'ores et déjà dire que je vais pas le laisser passer !
Alors de quoi est-il question ?
L'enfant de poussière, c'est le récit de Syffe, un jeune orphelin, qui vit dans une ferme paumé, aux confins d'un grand royaume qui est au bord de l'implosion suite à la mort du souverain qui en maintenait l'unité.
Évidemment, du haut de ses huit ans, Syffe s'imagine que toutes ces histoires de grands ne le concernent pas. Et évidemment, il se trompe. Déjà parce que le morcellement d'un royaume constitué de plein de petites entités politiques rivales, cela ne va généralement pas sans heurts, mais aussi parce que Syffe, qui a tendance à se croire plus malin qu'il ne l'est, s'attire souvent des ennuis.
Le jeune garçon va faire au cours du récit plusieurs rencontres importantes, qui vont le marquer, en bien comme en mal. Le moins qu'on puisse dire, c'est que sa vie n'est pas un long fleuve tranquille. Il oscille entre des moments d'accalmies plus ou moins longs, et des ruptures plus ou moins brutales qui l'amènent à se forger, à la dure, une personnalité et un destin.
Je ne vais évidemment pas m'appesantir ici sur les déboires de Syffe, ce serait vous priver d'un trop bon moment de lecture, et je vais donc plutôt souligner les points positifs de ce roman, ainsi que son gros point noir (parce qu'il y en a un quand même).
Pour commencer, j'ai trouvé l'écriture de Patrick K. Dewdney extrêmement plaisante, et extrêmement juste. Malgré un rythme de narration parfois très lent (ce premier tome voit Syffe passer de 8 à 13 ans en l'espace de 600 pages), je ne me suis jamais ennuyé. J'ai vraiment eu l'impression de suivre une longue tranche de vie, sans ressentir de longueurs ni de frustration parce que certains événements restaient en suspend.
Je me suis aussi bien attaché aux personnages, même pour certains à peine croisés le temps de quelques pages. Leur caractère, leur façon de s'exprimer, et les relations qu'ils établissent avec le personnage de Syffe sont touchantes de justesse.
Même l'évolution du garçon est bien menée. Il apprend à la rude, et à un très jeune âge, mais sans que cela paraisse irréaliste ou abusé (ce n'est pas l'élu avec un grand É). Chose assez rare pour être signalée également, les chevaux sont des personnages à part entière dans ce récit, et ne sont pas cantonnés à leur seul rôle de monture. Bredda, ma grande, je te place assez haut dans la hiérarchie de mes persos préférés de ce roman !
Autre point positif (à mon sens) : l'auteur manipule son lecteur. Alors c'est pas méchant hein, c'est juste qu'on joue avec nous, en nous maintenant dans une ignorance égale à celle du narateur, ce qui fait que quand il est surpris, on l'est aussi !
Un des meilleurs exemples de ceci que je puisse citer, c'est celui de la carte qui figure en début de livre (rare sont les ouvrages de fantasy à ne pas se fendre d'une cartounette du monde). Ici, elle est centrée sur la petite région d'origine de Syffe, sans que l'on puisse se figurer le reste du royaume autrement qu'à travers le texte.
Ce n'est que lorsque Syffe prend finalement la route (oui, bon, mini spoiler, mais quel orphelin de fantasy reste à patauger dans sa fermette toute sa vie ? Vous deviez vous y attendre !) qu'une nouvelle carte nous est proposée, dans le corps du roman, pour nous montrer un pan plus large du pays. Notre horizon s'ouvre en même temps que celui du héros, et ça, j'ai trouvé ça très malin (et réussi).
Autre point fort, le récit n'est pas convenu. Du moins pas tout le temps. Beaucoup des rebondissements surprennent le lecteur (sans être forcés), mais il y a aussi certains retournements que l'on voit venir, avec tout le côté gratifiant qui va avec. On a l'impression de savoir où l'auteur veut nous mener, et des fois c'est le cas et on se sent malin (gratification) et d'autres non et on se dit que l'auteur est malin (plaisir complice). C'est gagnant - gagnant. Parfait.
Les plus attentifs d'entre vous (parmi ceux qui auront lu jusqu'ici) se souviendront que j'avais mentionné un point noir. La bonne nouvelle, c'est qu'il n'est pas imputable à l'auteur (du moins je ne pense pas), la mauvaise, c'est qu'il est imputable à l'éditeur (et c'est dommage, j'ai connu le Diable Vauvert plus sérieux). Il y a moult coquilles, mais genre vraiment beaucoup. C'est le genre de choses qui arrivent, mais là ouch ! des "du" transformer en "au" (et vice-versa), des mots qui manquent (promotion sur les "le, la, les" qui passent à la trappe allègrement.)
Peut-être ai-je hérité d'un roman sorti d'un mauvais lot, mais ça donne l'impression d'une absence de relecture, ou à défaut d'une relecture pas très attentive. Ça n'empêche pas de lire le roman, et on pourrait dire que je pinaille, mais c'est vraiment agaçant, car assez fréquent et assez inhabituel pour cette maison d'édition.
Mais bon, c'est vraiment tout ce que j'ai à reprocher à cet Enfant de poussière, donc ça va. Si je n'avais que ça à reprocher à la plupart de mes lectures, nous vivrions déjà dans une utopie [insérez ici votre modèle de société idéale] (je ne voudrais pas être clivant).
Ce roman, c'est du tout bon. La suite, je l'attend de pied ferme, et je vais pas la laisser lanterner 107 ans comme je l'ai fait (et fait encore) pour d'autres séries. L'enfant de poussière, c'est beau, c'est touchant, c'est captivant, et c'est dans combien de temps déjà la suite ? Dix jours ? Ouf ! J'aurai pas attendu beaucoup plus !