Lorsqu’on évoque les services secrets suisses cela ne suscite guère de curiosité chez nous mais lorsque Joël Dicker nous campe un espion suisse camouflé en banquier – à moins que ça ne soit l’inverse – qui retranscrit ses secrets à l’encre sympathique dans un cahier, on se dit que son dernier roman démarre bien mal.
Apparemment le P-30 suisse ne dispose pas d’un « Q » à la tête de sa division recherche & développement…
Et hélas, rien par la suite ne viendra contredire ce constat de départ : Quel gâchis que ce roman !
On ne sait trop par quel bout entamer cette critique. Je précise d’emblée que je n’ai pas ressenti l’envie d’aller très loin dans cette lecture, l’auteur n’ayant rien fait pour me retenir.
Dans un récit décousu, mal agencé et au découpage souvent confus, Dicker nous balade entre polar, biographie voilée et album de souvenirs.
Mais l’intrigue de départ est si mince qu’on a du mal à la rattacher au genre policier et ses apartés sur l’écrivain et la gestation de son roman, thème récurrent chez lui, commencent à lasser tant il y a peu d’innovation sur le sujet. Quant à son plaidoyer-hommage à son éditeur décédé, c’est juste un dithyrambe funèbre maladroit tant c’est dégoulinant de bienveillance. Mais on peut le comprendre car les mauvaises langues prétendent que c’est grâce à Bernard de Fallois qu’il est sorti de la catégorie « roman de gare ».
Le reste est à l’avenant. L’écriture est maladroite, voire carrément scolaire. Certaines tournures relèvent d’un français désuet aux qualificatifs depuis longtemps inusités comme si un traducteur hésitant avait corrigé son texte ou plutôt comme si un garçon de treize ans l’avait écrit à sa place.
Quant à sa vision de la femme d’aujourd’hui elle est d’une navrante goujaterie :
« Elle avait passé l’après-midi à se préparer, s’apprêter, se pomponner. Elle avait essayé dix paires de chaussures et quinze robes. Elle voulait être parfaite. »
Ou encore ( Cristina est la secrétaire des deux vice-présidents)
« A la banque, Cristina, s’était rapidement rendue indispensable. Intelligente, perspicace, charmante, toujours de bonne humeur, toujours obligeante. Elle filtrait les appels, triait attentivement le courrier, maîtrisait les rendez-vous et les agendas »
Quel est le PDG qui ne rêverait d’une perle aussi précieuse face à de telles responsabilités ?
Heureusement, mais très rarement, une goutte d’humour involontaire éclate dans toute cette naïveté.
Macaire à son psychanalyste :
-Si je ne suis pas élu président, je me suicide.
-Ne dites pas une chose pareille ! s’épouvanta le docteur Kazan. Ce serait très mauvais pour ma réputation.
Au final, je pense que Joël Dicker est pour longtemps encore l’auteur de ces lycéens qui lui ont décerné le Goncourt, il y a quelques années et qui fait aujourd’hui partie de ces auteurs plébiscités par ses lecteurs mais boudés par la critique. A juste titre, selon moi.