L’Équipage se déroule en pleine Première Guerre mondiale, mais dès le début ce contexte est marginalisé. Les topos de l'horreur des tranchées qu'on a lus partout sont bien loin, puisque ce roman il se concentre sur une situation marginale (l'aviation) et finalement la met entièrement service du thème central : une belle histoire triste qui explore les souffrances d’une amitié puissante dans le double drame de l’amour et de la guerre.
Herbillon, le personnage principal, est exagérément candide, un brin orgueilleux et pressé de faire ses preuves, mais la guerre emporte impitoyablement sa naïveté, ses illusions, et les membres de l’escadrille qui, trop souvent, ne « rentrent pas ». Cette expression reflète avec justesse la pudeur et la poésie avec lesquelles Kessel et ses personnages font face à la mort dans le roman, lointaine au repos mais omniprésente dans le ciel.
Le roman se concentre sur l’amitié fusionnelle qui se développe entre Herbillon et Maury, un nouveau venu à la détresse vieillie qui s'intègre difficilement à l'esprit de franche camaraderie qui règne dans l'escadrille. Kessel raconte avec délicatesse comment cette amitié se sublime dans l’équipage qu’ils forment (une association pilote-observateur permanente), qui lie les nerfs et les âmes de deux êtres bien contrastés dans une communion aérienne qui se poursuit à terre.
Mais bientôt cette harmonie est brisée : Herbillon rapporte de sa permission un malaise et une culpabilité que Maury perçoit immédiatement tant ils sont proches. L’équipage dans lequel ils sont engagés rend plus aigus la tristesse déchirante de l’un, les soupçons croissants de l’autre, la souffrance du non-dit et du mensonge au cœur de leur tendresse mutuelle. Leur lien, c’est alors « le flux mystérieux qui était en même temps leur salut et leur tourment ».
Il y a une réelle progression tout au long du roman, la narration est rythmée et efficace, et au-delà d'un roman sur la guerre, c'est un roman sur l'amitié et la camaraderie que Kessel propose avec justesse.