Gilles Lipovetsky et Jean Serroy défendent la thèse selon laquelle le capitalisme n’est pas simplement contraint d'enlaidir notre monde, mais que le capitalisme d’hyperconsommation est en train de devenir un « capitalisme artiste », se traduisant par un travail de d'artialisation et de stylisation. Ils proposent donc une réflexion sur l’hypermodernité marchande et culturelle.

Nombreuses sont les critiques effectuées à l'égard du capitalisme. Il possède une image ternie, car ses dérives ont fortement impacté nos sociétés. Son aspect quantitatif lui est reproché, car les préoccupations majeures sont uniquement marchandes s'inscrivant dans une recherche de bénéfice ultime. Le capitalisme est également accusé d'enlaidir notre environnement. Sa recherche de profit constant est responsable de nombreuses déchéances esthétiques. Or, il ne cesse d’ausculter les transformations des modes de vie et des comportements. Nous sommes à l'âge de hypermodernité du capitalisme. En effet, Lipovetsky et Serroy redéfinissent ce qu'ils appellent le capitalisme artiste. Il s'agit d'un système incorporant la dimension créative dans les secteurs de la consommation marchande. Il est aussi vrai que le capitalisme est nocif qu'il produit et diffuse des biens esthétique à grande échelle.

L'association de l'économie à l'esthétique apparaît donc comme un complexe. L'oxymore du capitalisme artiste incorpore une forte dimension créative et imaginaire. Le capitalisme apparaît alors comme moins nocif, intégrant un nouveau mode de fonctionnement qui exploite les dimensions esthétiques. Le capitalisme artiste est apparu à partir du milieu du XIXe siècle, et s'est fortement développé à la seconde moitié du siècle dernier. Il produit de la valeur économique à travers la valeur esthétique.

Le capitalisme artiste intègre 4 logiques principales. La première s'inscrit dans une logique d’esthétisation généralisée à l'intérieur de la consommation marchande, donnant une place primordiale au style, à la séduction et à l'émotion. La deuxième introduit une logique entrepreneuriale des industries culturelles et créatives. La troisième est une logique d’expansion de la surface économique pour les groupes de production d’art, autrefois marginale. La quatrième et dernière logique est l'hybridation des secteurs de l’art et de l'économie, mêlant culture et industrie et déstabilisant totalement les anciennes hiérarchies.

Nous sommes passé d'un capitalisme basé sur la production, a un capitalisme basé sur la consommation de masse incluant une forte dimension esthético-émotionnel. Le capitalisme artiste repose sur l'addition du rationnel et de l'art, des affects et de la sensibilité. Le capitalisme artiste a impulsé l'apparition de l’hyperconsommation esthétique, apportant de nouvelles sensations. Le style apparaît donc comme nouvel impératif économique, multipliant l’offre culturelle et célébrant son caractère éphémère. Le capitalisme artiste à mis en œuvre une hybridation artistique, qui a fait exploser les frontières et les différenciations. Les marchés de la consommation se retrouvent esthétisés. L'art est ainsi devenu un instrument de légitimation des entreprises du capitalisme, et cela s’entend sur de nombreux secteurs, dans les industries, et dans tous les interstices du commerce et de la vie ordinaire. Le capitalisme artiste impulse une forte hybridation hypermoderne. En effet, les cloisonnements des sphères s'effacent. Les genres et les styles se croisent afin de gagner de nouveaux marchés et des nouveaux consommateurs. Il prend une dimension multiforme et multipolaire, dans une finalité commerciale chargé d'un impact émotionnel. L'esthétisme triomphe, au service des objectifs marchands entretenant une économie des extrêmes et créant une idéologie consumériste centrée sur l'hédonisme.

Notre époque hypermoderne est témoin d'une société surésthétisée. Cette forme ne permet pas de rendre sa beauté à notre monde. En effet, si ce système capitalisme fondé sur l'esthétique produit de la beauté, il produit aussi de la pollution visuelle. Nous faisons face à une inflation esthétique. La notion de «transesthétisme» est également évoquée par les auteurs, et renvoie à une monde de surabondance et d'inflation esthétique. L’«hyperart» caractérise donc notre époque, où l’art s’infiltre dans nos modes de vie. Le plaisir esthétique s'inscrit dans une sphère consumériste et individualiste. Celle-ci donne la priorité aux désirs d’autonomie, de réalisation et d’expression de soi. On assiste à une véritable mise en scène des éléments de la vie quotidienne. Ce procédé se rythme à travers la publicité, et notamment à l'aide des stratégies de séduction, d’émotion et du divertissement. La communication possède un impact capital au sein de ce capitalisme artiste. Son poids et ses effets élaborent et créer du sens et du prestige aux produits, bien au-delà d'une valeur utilitaire.

La société transesthétique est de nature à provoquer différents types de malaises chez les individus hypermoderne, telles que l'addiction ou la dépréciation de soi, notamment à travers les réseaux sociaux. Même si l'inclinaison du chapitre propose une lecture effrayante de l’évolution du monde économique, il existe une montée de la justification envers l'élévation du niveau de vie et les jouissances du présent. La question de l'émancipation semble donc légitime. En effet, le capitalisme artiste est la conséquence d'une hyperconsommation engendrant un consommateur narcissique et individualiste. Rattacher à un processus donnant la priorité aux désirs d'autonomie, le rêve de l’identité artiste en découle. Le capitalisme artiste est une machine à former de la créativité et de l'émotion. L'art est désacralisé, et apparaît comme une profession, laissant place à une professionnalisation et une spécialisation des secteurs artistiques. L’individu hypermoderne évolue dans un environnement qui incite à être créatif. Échappant à la vision traditionnelle du consommateur passif, tout se passe comme si en chacun sommeillait un désir d’artiste et une passion esthétique, dans une optique d'accomplissement de soi.

Slime-Western
10
Écrit par

Créée

le 24 mai 2023

Critique lue 20 fois

2 j'aime

Slime Western

Écrit par

Critique lue 20 fois

2

D'autres avis sur L'Esthétisation du monde

L'Esthétisation du monde
Slime-Western
10

Hypermodernité et transesthétisme

Gilles Lipovetsky et Jean Serroy défendent la thèse selon laquelle le capitalisme n’est pas simplement contraint d'enlaidir notre monde, mais que le capitalisme d’hyperconsommation est en train de...

le 24 mai 2023

2 j'aime

L'Esthétisation du monde
FredericManson
8

Le capitalisme n'est pas la négation de l'esthétique.

Le capitalisme tel qu'il est aujourd'hui signerait la fin de toute ambition esthétique. Un discours bien catastrophique que Gilles Lipovetsky et Jean Serroy rejettent. Loin de nous vanter les mérites...

le 9 févr. 2024

Du même critique

H00DBYAIR (Single)
Slime-Western
9

INTROSPECTION D'UN VAMPIRE

Le grand retour est annoncé ! Trois ans après la sortie de l'excellent "Whole Lotta Red", Playboi Carti surfe sur un nouvel esthétisme avec la sortie de 4 tracks, dont un feat avec Travis Scott. Le...

le 17 janv. 2024

3 j'aime

Delete
Slime-Western
8

Flashez-moi !

"Delete" est une série Thaïlandaise fraichement sortie. Il s'agit du premier drama écrit et réalisé par Parkpoom Wongpoom. Autant vous dire que ce premier essai est plus que jouissif. Reprenant les...

le 6 juil. 2023

2 j'aime

Ça tourne à Séoul ! Cobweb
Slime-Western
5

Ça ne tourne pas assez..

"Ça tourne à Séoul !" m'a totalement frustré, malgré un potentiel de base énorme.Le long-métrage prend place dans la capitale coréenne, alors en plein essor cinématographique (années 70). Kim, le...

le 14 nov. 2023

2 j'aime