Long pamphlet de quelques 300 pages L'Etat culturel de Marc Fumaroli, historien des idées est un essai calibré sur la critique de la politique de la culture en France, notamment celle conduite depuis la création du ministère sur mesure pour André Malraux en 1959.
Et pour le dire rapidement, Fumaroli est très peu favorable à l'essor de l'Etat culturel tel qu'il a été conduit entre 1959 et la fin des années 1980 (l'ouvrage remonte à 1990). Pour Fumaroli, la modeste IIIe République, en ne menant pas vraiment d'action culturelle ciblee, mais une politique éducative rigoureuse, a permis un épanouissement civilisationel de la France et une richesse de sa culture.
Cette modestie lui aurait été reprochée par une intelligentsia technocratique qui, après une première tentative sous le régime de Vichy, aurait réussi, à travers le ministère Malraux à créer une administration de la culture, détachée de l'instruction publique, qui aurait visé à assouvir un fantasme de grandeur culturelle donnant la priorité à l'audiovisuel et aux Arts plastiques modernes sur les livres et les œuvres classiques. Cette intelligentsia n'aurait en réalité produit qu'une bureaucratie noyautee par des communistes et gauchistes pouvant allier le confort bourgeois et l'anticonformisme soixante huitard, étouffante pour l'esprit, toujours en retard d'une mode suivie servilement et productrice de loisirs pour esprits plus ou moins philistins et jouisseurs. Ce phénomène se serait produit dès l'époque Malraux, mais avec un paroxysme vaniteux à l'époque de Jack Lang, sorte d'incarnation du vide culturel promis à tous et autosatisfait, les seuls réussites de l'Etat culturel étant lorsqu'il met e' avant des œuvres qu'il ne pourrait pas produire Cet essor correspondrait au déclin de la France et de la pensée française qui ressemblerait à la Venise à la dérivé du XVIIIe siècle : un écrin brillant, mais vide.
Sur le fond ne connaissant pas grand chose à l'histoire du ministère de la culture, l'ouvrage apporte des éclairages intéressants, sur cet aspect des politiques publiques.
Pour le reste, on a un ouvrage dans la lignée de la sortie des années 1980 appelant l'état à la modestie face au génie créatif qu'il ne saurait décréter et nullement empêché dans l'économie de marché, doublé d'un declinisme latent ponctué de références humanistes chics supposées donner du corps au propos. Un essai à l'ancienne, avec peu d'appareil critique ou de note de bas de page, un style plaisant et incisif mais pas forcément convaincant, des raccourcis faciles (à commencer par une genèse du projet d'état culturel renvoyée à Vichy et des attaques un peu faciles sur la fascination totalitarisante qu'auraient eu les bureaucrates de la culture...). Ca fait beaucoup de pages pour une réflexion qui apporte en fait une substance limitée et qui est une apologie de l'éducation à l'ancienne style IIIe République (avec tous les lieux communs associés) et une version culturelle de l'état moderne, l'état modeste de Crozier.
Pas mauvais mais dispensable sauf pour les passionnés d'histoire des politiques publiques.