« Donc voici, j'écris pour Libération. Je suis sans sujet d'article. Mais peut-être n'est-ce pas nécessaire. Je crois que je vais écrire à propos de la pluie. Il pleut. » Marguerite débute ce premier chapitre sans grandes promesses, si ce n'est celle d'une sempiternelle mélancolie saisonnière. Et pourtant...
Pourtant, de sa fenêtre, Marguerite nous invite à la rejoindre dans une pérambulation mystérieuse, impure, presque fascinante. L'Eté 80 est une œuvre déroutante car retrace une sorte d'errance entre des espaces tantôt réels, tantôt fictifs. Par saccades, Marguerite nous guide jusqu'en Afghanistan, en Russie, en Iran. Et nous la rejoignons dans un fracas de peur et d'inquiétude. Et puis... Et puis il y a l'enfant. Il y a toujours eu l'enfant.
Marguerite nous conte alors un amour fictif, interdit, fantasmé, d'une adulte et d'un enfant de 6 ans. Elle nous apprend la peine, le désir, la tentation et les grandes promesses. Je pensais alors aux mots qu'avait C. Aznavour dans Parce Que (sublimés par S. Gainsbourg) : « (…) parce que je suis au seuil d'un amour éternel, je voudrais que mon cœur n'en porte pas le deuil ». L'impitoyable réalité sommeille.
Marguerite se justifie de cette rencontre dès les premières lignes du roman. Ainsi, « (…) pour oublier, (se) sortir de l'obscurité des faits (du monde), de leur promiscuité, retrouver l'air autour », elle rêve d'amours contingents et impossibles. Se confondent alors la brume, le déferlement des vagues et le tumulte des passions. C'est la déconstruction du style, les coupures incisives, la grande confrontation.
Marguerite connaît le dilemme amoureux. On retrouvera effectivement cette tension amoureuse et/ou sexuelle entre les âges en toile de fond dans l'Amant (1984), ou dans une moindre mesure dans Lolita (1955) de V. Nabokov. C'est donc sans surprise que la question de savoir « fait-on le choix d'aimer et/ou de ressentir le désir ? » se retrouve alimentée de nouveau, à la frontière de l'autobiographie.
A lire, à l'occasion : https://philitt.fr/2014/04/23/comment-marguerite-duras-a-deconstruit-le-roman-traditionnel-francais/