Voyage à Tokyo (1953) est l'occasion rêvée pour Yasujirô Ozu de réaliser une analyse psychologique de l'impitoyable détérioration des liens familiaux dans le Japon d'après-guerre. Pour ce faire, il nous conte le voyage d'un couple vieillissant d'Onimichi s'en allant visiter leurs enfants à Tokyo.
Ce qui m'a le plus touché dans ce film n'est pas son thème, dont on peut dire qu'il est relativement plat, - thème que l'on peut d'ailleurs retrouver en filigrane dans Les Frères et Soeurs Toda (1941), mais je m'égare. Donc non, je ne me souviendrai certainement pas de ce film pour son plot, mais pour sa réalité esthétique en revanche... je veux bien admettre que là, j'en ai pris plein la vue.
A l'ère de nos films dits « de mouvement », Yasujirô Ozu fonde son art sur l'inertie (stabilité des plans fixes, rares mouvements de caméras, plans des réunions familiales), ce qui nous amène à ressentir (presque à l'état pur) les émotions dégagées par les personnages. D'ailleurs, quelles émotions ! Elles se retrouvent sublimées par la parfaite maîtrise du noir et blanc, par les longs silences et par les quelques regards face-caméra. Un délice, en somme. In a nutshell, la lenteur de Voyage à Tokyo m'a littéralement bercé.
Sur le fond, le contraste entre l'ingratitude des enfants propres et l'amabilité de la belle-fille laisse un constat intéressant, car on comprend vite que le message d'Ozu n'est ni trop général, ni trop moralisateur.
Je ne peux donc que conseiller cette œuvre, qui est un fin mélange entre sobriété émouvante, presque intimiste et fatalisme glacial.