Lâche le démon qui est en toi.
Toujours dans la veine de mes découvertes des grands classiques du Fantastique, je me suis attaqué cette fois avec curiosité à ce volume de Robert Louis Stevenson. un "One shot", pourrait-on dire, puisque son autre roman, "L'île au Trésor", ne dérive pas sur mon genre de prédilection. Plutôt court, posé comme beaucoup de ses contemporains sur une intrigue courte mais rythmée (Frankenstein, Le portrait de Dorain Grey, Le Chat Noir...) il pose les bases d'une analyse plus fine que les autres en ne se concentrant pas uniquement sur un conte Fantastique. (et très réussi d'ailleurs)
L'histoire est courte et efficace, avec une ambiance délicieusement ancrée dans la période Romantique de l'aire Victorienne, dont on sent d'ailleurs une influence notoire. Elle relate les pérégrinations d'un Docteur en Médecine sur la fin de sa vie, qui décide de flirter avec le diable, en mettant au point une potion dont les effets se révèlent inattendus.
L'émergence du personnage de Hyde nous met face à nos démons intérieurs, que Stevenson décrit d'ailleurs très clairement. Il analyse dans ce court roman les effets sur le libre arbitre d'une société guindée et trop rigide, avec un exutoire aussi inattendu que nécessaire pour une bonne santé mentale.
Bien entendu il ne s'agit pas de cautionner la violence en aucune manière, mais de montrer qu'en chacun de nous il y a une partie sombre, qu'il convient de satisfaire de temps en temps pour ne pas la laisser définitivement prendre le dessus.
J'ai donc repensé avec nostalgie à la tradition perdue du Père-Cent, grande fête des cent jours avant le Bac, qui permettait de se défouler un bon coup avant le début des hostilités... L'occasion de se rappeler sans doutes que derrière toute tradition, il y a une raison...
On retrouve une analyse similaire à celle de Stevenson, mais de manière bien plus discrète et pleine d'humour "So British" dans l'excellente série des aventures de Sherlock holmes. Holmes, misogyne et factuel, s'opposant constamment aux bonnes manières un peu sottes et parfois inutilement contraignantes de Watson.
Ces deux analyses ont en commun l'art de montrer qu'il est parfois nécessaire de conserver une distance raisonnable avec nos valeurs ou la pensée de masse, dans la mesure où elle finit par étouffer notre personnalité et à nous empêcher de penser en toute objectivité.
Et je suis encore une fois surpris par la résonance de ces oeuvres classiques. Plus que la recherche d'une bonne histoire à raconter, il y a aussi une morale, simple et abordable par le premier venu. Sans emphase, sans exagération.
Concernant l'écriture de l'auteur, je dirais qu'elle est un peu confuse par moments et peut être moins fluide que Mary Shelley, Oscar Wylde ou Edgar Allan Poe. Surtout le début, qui peine un peu à se lancer. Par contre, une fois sur les rails, l'histoire vous immerge et vous enveloppe avec un réel savoir faire et une délicatesse propre à la période, où la suggestion domine la démonstration.
On a donc au final une très bonne histoire, captivante et dynamique, assortie d'une morale intéressante et Ô combien actuelle... Si on prend en compte les dérive de cette pensée de masse, incarnée par une presse qui en France peine énormément à investir le champ de la pensée libre, on se dit encore une fois que les classiques ont du bon.