Il faudra quand même que j'arrête de lire les préfaces avant d'entamer un livre. Tout d'abord parce que la plupart du temps, l'auteur de la préface se permet de spoiler un peu l'histoire. Autant ça peut être bien si il ne révèle que le début, autant ça peut être ennuyeux si son analyse le pousse à traiter de la fin. Ensuite parce que l'auteur analyse l'oeuvre et y voit ce qu'il veut bien voir... comme dans toutes critiques. Et les critiques, je pense qu'il vaut mieux les lire après coup, sinon cela peut contaminer l'esprit du lecteur (ou du spectateur). En effet, au vu de la préface présente dans mon bouquin (par Pontalis), je me suis imaginé plein de trucs, juste parce qu'il en parle super bien.
Malgré ces deux raisons, je n'arrive pas à ne pas lire la préface. Quand j'ouvre un livre, je commence à la première page. Il m'est arrivé d'arrêter de lire la préface en constatant que l'auteur enchaînait les révélations importantes. Mais il faudrait juste que j'apprenne à faire ça systématiquement.
Quel sujet en or ! Vraiment ! Le thème du double, de la pulsion libérée, ça me parle beaucoup. Surtout quand ça parle déjà de psychanalyse alors que cette science n'en est qu'à ses premiers pas officiels. Le problème vient du traitement. C'est mou, c'est plat. Le sujet en soi n'est finalement traité qu'au travers des deux derniers chapitres. Le roman aurait d'ailleurs pu n'être qu'une nouvelle, vu la manière dont il est présenté. Parce que tout le reste, tout l'aspect policier est finalement bien pauvre.
Déjà, les événements liés à M. Hyde sont bien peu nombreux. Ensuite, de par le point de vue adopté il est bien difficile de profiter de la nature du personnage. Enfin, l'histoire s'étale sur bien trop de temps ce qui tue totalement la tension. Le roman est donc décevant pour son approche policière assez pauvre, le côté fantastique traité trop superficiellement et puis aussi ses personnages qui ne communiquent que si peu ou uniquement pour dire et redire ce qui a déjà été dit.
Ce qui bloque la narration, aussi, c'est la volonté de l'auteur de ne vouloir révéler l'identité de Hyde qu'à la fin. J'imagine bien qu'à l'époque, lors de la première lecture, cela a du faire son effet. Mais lorsqu'on connaît déjà l'histoire, il ne reste plus qu'une longue attente. Il reste bien l'une ou l'autre scène sympathique, mais rien de bien mémorable en fait, parce que le principe du twist empêche de réellement traiter du sujet (d'ailleurs c'est dans le chapitre de la révélation de l'identité de Hyde que Jekyll s'exprime enfin, que le lecteur peut donc enfin le comprendre et jouir de sa folie). Si au moins le point de vue du notaire qui est principalement adopté par le narrateur pouvait amener d'autres thèmes ou bien permettre au moins l'approfondissement de ce personnage mais il n'en est rien : Utterson n'est qu'une enveloppe vide dont la caractérisation décrite en début de roman ne sert absolument à rien durant le récit.
En ce qui concerne l'écriture, c'est très plaisant : Stevenson (par le biais du traducteur) écrit simplement et efficacement. Pas de prose prétentieuse, juste la volonté de raconter l'histoire de manière accessible. L'auteur aurait tout de même pu détailler un peu plus certaines scènes, surtout celles qui concernent M. Hyde.
Bref, un roman qui m'a déçu. Je laisserai tout de même une autre chance à l'auteur parce qu'il a une bibliographie alléchante.
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Un chapitre sur les rêves : 7/10*
À la fin du bouquin, après la chronologie de l'auteur, il y a un petit texte de Stevenson qui parle de son inspiration. Ce petit texte m'a bien plus passionné que "L'étrange cas...".
En effet, l'auteur raconte comment ses rêves alimentent son imagination, comment ses 'brownies' l'aident et font même la majeure partie de son travail. Entre rêve et réalité, entre fantasme et farce, on ne sait pas trop quoi penser de ces révélations sur une méthode étrange. Je pense qu'il y croyait et que ses rêves ont vraiment participé. Dès lors que l'on connaît cette technique de travail, le roman "L'étrange cas..." paraît plus logique : Stevenson EST hanté par son double. Le jour il écrit et la nuit il VIT ses rêves, VIT ses récits qui lui inspireront des romans.
L'écriture est moins simple, peut-être par le changement de traducteur ? En tous cas cela reste tout aussi efficace et le ton adopté donne vraiment l'impression d'être assis face à Stevenson en train de conférencer sur son inspiration.
Bref, une nouvelle, si j'ose appeler cela ainsi, assez percutante.
*La note que j'ai attribuée à ce chapitre n'est pas reprise dans la note finale pour la simple et bonne raison que ça n'occupe que 15 pages sur tout le roman... Et je ne pense pas que ce soit très pertinent de créer une fiche spécialement pour ce court texte qui est peut-être repris dans un recueil de nouvelles.