Pour moi ce livre a une valeur de témoignage : le regard d'un juif non-messianique sur la vie de Jésus. C'est très intéressant de regarder le champ lexical que Schmitt applique à Jésus lors de son mystère. Il oscille entre prudence, avec la référence au "mystère" par Pilate, et franc parti-pris : en gros, Jésus aurait fait une sorte de pari, seul dans le flou et aurait gagné !
Ce livre a également le mérite de réussir à redonner des couleurs aux photos de l'histoire. Nous retenons en effet uniquement les données anthropologiques : nous connaissons la monnaie, les noms des souverains et quelques coutumes de la Palestine du 1er siècle. Schmitt nous donne en plus la tension qui agite la région, les sentiments, la matière organique des relations qui se désagrège en poussière avec le temps.
Les parties prenantes atteignent une dimension psychologique qui dépasse celle de la spéculation que l'on trouve habituellement dans la Bible. Le revers de ceci, c'est que le livre désamorce complètement la puissance des paroles de Jésus en montrant l'atelier cérébral du personnage. On reconnait bien là la pierre que l'israélite Schmitt apporte à l'entreprise moderne de décrédibilisation du christianisme. Si les rupins bouffeurs de curés se soulagent de manière frontale et postillonnante, le travail de Schmitt est plus subtil et souterrain : la personne du Christ n'est qu'un brave humain souffrant de trop aimer les gens et fuit sans cesse le sillage qu'il produit lui-même dans le territoire étriqué de Palestine.
Le bouquin qui en résulte est passionnant et ouvre une perspective psychologique aux Écritures. Si on considère cependant que la psychanalyse développée par un juif, Freud, est une banderille destinée à la perspective théocentriste chrétienne, alors ce livre nous approche un peu plus de la mise à mort.