Ce pamphlet allégorique miraculeusement rescapé des autodafés soviétiques impose dès les premières pages une lecture consciencieuse, prudente et graduellement impavide au lecteur qu'il entend instruire des méfaits de la terreur, et par delà des grandeurs tragiques de la responsabilité individuelle.
Conte exemplaire, charge philosophique et politique enveloppée, à l'exemple d'Orwell, d'une fine pellicule de fiction, L'Heure du Roi fait la démonstration d'une écriture sobre et concise au service d'un questionnement à la fois inépuisable et tristement lucide: La liberté et la justice sont-elles solubles dans les compromissions de notre conscience morale? Et en dernier recours, l'acte héroïque n'est-il qu'une dangereuse, absurde et inutile vanité?
Les trois épigraphes du livre résument superbement les enjeux humanistes qui y sont mis en scène, comme dans cet extrait, dû à Miguel de Unamuno:
"Grâce à notre Seigneur si perspicace, on ne peut plus vivre avec la conscience tranquille. La foi ne se réconciliera point avec la raison. Le monde doit être tel que le veut Don Quichotte, les auberges doivent se transformer en châteaux. Don Quichotte lancera son défi au monde entier et, de toute évidence, il sera battu; néanmoins, il restera vainqueur, même en s'exposant au ridicule. En riant de lui-même, il vaincra…"
L'arbitraire, l'hégémonie, la brutalité, le pouvoir inique. Ces systèmes s'oxydent au contact ténu de l'ironie et des symboles. Défier le mépris par un acte désespéré mais poétique, car lavé de la peur de mourir, voilà une posture épique et admirable; mais aussi très romantique.