Je connaissais Larsson, Läckberg, Indridason et Mankell, et Nesbø était un nom que je voyais souvent dans les rayonnages des librairies, je suis finalement passé à l'acte à l'occasion d'un trajet en avion. Ce roman avait littéralement tout pour me plaire : un personnage principal faillible, un crime tristement réaliste, et tout cela dans le cadre d'une ville que je connaissais bien et pouvais donc parcourir de nouveau à travers les lignes de l'auteur - Sydney. Et pas seulement Sydney, Nesbø montre (parfois avec un rien de didactisme) une solide connaissance de l'histoire de l'Australie et de ses contradictions, notamment dans son traitement des aborigènes qui est assez similaire à tout ce que j'ai pu entendre sur place. Son style n'est pas non plus désagréable, moins froid (sans jeu de mot) que celui des auteurs cités au-dessus, et parsemé de références pop sans doute héritées de son passé de musicien.
Jusqu'aux, disons, trois-quarts du récit, ce roman volait vers un 9 (sans doute exagéré, mais la touche Sydney m'incitait à encore plus de bienveillance), jusqu'à ce qu'aie lieu l'erreur qui a eu le don de me faire quitter la lecture des oeuvres de Camilla Läckberg : le drame personnel.
Que l'on soit clair, je ne parle pas ici du passé de Hole, mais d'un des rebondissements de l'enquête qui va toucher son cercle personnel sans que cela ne soit en aucun cas justifié autrement que par une pirouette d'écriture (franchement invraisemblable en plus) et un besoin de noircir le personnage. A mon sens, un commissaire/inspecteur confronté tous les jours à ce que l'humanité à de plus moche n'a pas besoin d'en plus être directement visé par des psychopathes pour devenir aussi dépressif qu'un Wallander, et pourtant Nesbø a recours à l'artifice (encore une fois, sans grande élégance, et de façon capillotractée). C'est exactement ce qui m'a lassé chez Läckberg : que Fjällbäcka paraisse aussi meurtrier que le Cabot Cove d'Arabesque peut passer, mais TOUS les crimes finissaient par avoir un rapport direct avec le passé d'Erica, au point de transformer son histoire et celle de sa famille en une énorme suite de coïncidences.
Et si j'en crois les résumés des autres polars de la série, Nesbø semble persister dans ce besoin de lier personnellement les crimes à Hole. Autant cela ne me dérange pas quand cela arrive, disons, à un Myron Bolitar, du fait des tons radicalement différents des polars américains (qui sont, à mon sens, nettement moins réalistes et plus "flashy" - ce qui ne les rend en aucun cas mauvais) : il s'agit d'un personnage clairement établi comme fictif, il peut donc lui arriver des choses étranges sans que cela ne choque. Mais l'attrait des enquêteurs scandinaves - Lisbeth exceptée - tient dans leur ancrage dans la réalité, qui se brise lorsque l'on apprend que leur histoire personnelle est encore plus complexe que celle de Bruce Wayne. Il s'agit donc pour moi d'une occasion manquée ; je testerai peut-être un ou deux autres romans de Nesbø, mais Hole est parti pour n'être qu'un ersatz de série B comparé à un Kurt Wallander.