Lecture un peu atypique, puisque j'ai récupéré récemment (en édition originale et en pas trop mauvais état) trois des quatre volumes de la série Trévor Dene (enquêteur à Scotland Yard), écrite dans les années 30 (il y a presque un siècle) par un obscur auteur britannique, Valentin Williams. Celui-ci est le second et j'ai déjà lu le premier (Derrière la porte jaune) il y a quelques mois. Et j'avais d'ailleurs, dans ma chronique s'y rapportant, quelque peu ironisé sur le style particulièrement désuet de ce premier de série. Est-ce l'effet du changement du traducteur ? Toujours est-il qu'il n'y a plus lieu de le faire pour ce second opus, c'est écrit (en français) de façon très classique; fini le style ampoulé et les pudiques circonvolutions qui m'avaient tant marqué dans le premier bouquin.
Il s'agit pour autant d'un roman policier tout à fait classique pour cette époque, avec meurtre dans une propriété et recherche du suspect par l'inspecteur Trevor Dene, en vacances aux États-Unis, qui vient apporter un soutien nécessaire au shériff local, présenté par l'auteur comme un péquenot mal dégrossi. Un poil de mépris britannique pour les anciennes colonies, peut-être. A côté de cela, on a droit à tous les ingrédients que l'on retrouve dans le roman policier d'énigme : vérification des alibis, indices matériels déterminants, jalousie, heure du crime, valse des suspects et des mobiles et rebondissements finaux qui permettront de confondre le coupable grâce à un piège astucieux tendu par l'enquêteur, qui, bien entendu, a toujours plusieurs longueurs d'avances sur le narrateur, un des protagonistes de l'histoire.
L'intrigue est plutôt bien ficelée et la lecture (merci à Miriam Dou, la nouvelle traductrice) plutôt fluide et captante, le suspens étant bien ménagé. Toutefois, en matière de dimension psychologique des personnages, le bouquin est loin d'être au même niveau qu'un roman d'Agatha Christie, maitresse il est vrai en la matière. Dans un bouquin de cette dernière, les personnages, souvent de classe aisée, se conforment certes aux conventions sociales de la bourgeoisie, mais Agatha n'a pas son pareil pour faire transparaître leurs vraies personnalités derrière les convenances. Ici, les personnages sont bien plus stéréotypés et leurs personnalités dépeintes ne sont jamais que l'expression de ces stéréotypes, qui est plus souvent de genre. Pour couronner le tout, il s'avère en définitive que le coupable n'appartenait pas en fait au milieu (bourgeois) duquel il prétendait être...Tout ça est très bien pensant, en définitive.