Dès les premières pages, on sent une narration poussive et maladroite, l'action comme la pensée sont mal relatées et le vocabulaire n'a rien d'exceptionnel, faute de l'auteur ou du traducteur, on ne sait (l'obsession du "tablier" notamment continue de me laisser songeur, on peut aussi dire "plateau", les deux sont admis).


Piètre héroïsme


Le héros nous est décrit comme étant le parangon de la stratégie ludique, mais à aucun moment, on n'a une réelle empathie pour ce héros qui ne suscite aucune admiration (réussit à se faire piéger 3 voir 4 fois en un roman, pas mal quand même, l'épisode avec les femmes était notamment plus que dispensable).
Jouer sur la corde de l'antipathie de l'excentrique, Sherlock Holmes le fait depuis bientôt deux siècles (suivis par des hordes de Tony Stark, docteur House et autres génies en tout genre), mais là, Gurgeh est seulement fade, hormis un léger côté associal, il n'a pas vraiment de personnalité et donc on ne comprend pas vraiment ce qui le rend exceptionnel. On ne va suivre que lui durant tout le roman et on aura bien le temps de s'ennuyer...
On passe sur les autres personnages qui n'ont rien non plus de bien marquant voir qui sont carrément insupportables par moment (quand on est un drone au service de la Culture, on ne fait pas de crises de caractère).


Mais ce n'est pas le plus grave dans ce récit.


L'auteur a-t-il déjà joué à un jeu dans sa vie?
Jamais on n'a vraiment l'impression que ce qui constitue un jeu dans son sens le plus noble n'est vraiment abordé, toutes les thématiques du jeu (dilemme du prisonnier, conspiration contre le gagnant, maitrise du territoire, passager clandestin, micro-management, attitude en fonction de l'enjeu, anticipation dans la stratégie ou dans le bluff...) ne sont évoquées que de manière très superficielle.
Bref la représentation du jeu est encore ratée, un peu comme d'habitude du reste (Hunter X Hunter ou Pi de Darren Aronofsky), le jeu, dans ce cas, étant récupéré par le réalisateur pour cristalliser la grandeur de l'intelligence ; ce côté récupération est gênant car il rappelle un peu un politique qui va récupérer une lutte pour la faire sienne.


Pourquoi la représentation est ratée? Parce qu'on ne connait pas les règles pardi.
Voila la pierre angulaire de l'échec de la démonstration du jeu dans une oeuvre narrative, soit vous décidez d'expliquer les règles et dans ce cas, l'éditeur va se mettre à hurler (une exception à ma connaissance : Hikaru no go), soit vous ne le faites pas, et à mon sens, on tombe dans la récupération sus-citée.
Pour faire une comparaison facile, c'est la raison pour laquelle le sport est bien plus utilisée (surtout dans des supports démonstratifs comme la BD, les séries animées ou pas, ou les films), les règles sont simples et connues de tous ; vu que le sport n'a aucune valeur en terme de réflexion, on ne le rencontre que très peu en littérature.
C'est sans doute la raison pour laquelle bien peu s'y essayent car on sait bien que le sujet de la représentation du jeu est casse-gueule ; s'en affranchir parce qu'on s'appelle Ian M. Banks, ok, mais dans ce cas, on met l'exigence d'autant plus haut.


Attendez, creusons encore, en plus, il y a même des métaphores !


Donc là, on plonge dans le philosophie de comptoir qui se caractérise par la non-pertinence et qu'on reconnait avec des phrases du genre "ça a toujours été comme ça" ou le "de tout temps" façon bac littéraire ; la philosophie de comptoir, c'est aussi associer n'importe quoi, comme par exemple voir les échecs comme une bonne représentation de la vie... (la roi Radovid, personnage shakespearien s'il en est que cotoie Geralt de Riv, le fameux sorceleur dit que rien n'est plus stupide : la situation initiale n'est jamais juste, les règles ne sont jamais équitables, et surtout on ne peut jamais avoir confiance en ses serviteurs et autres vassaux).
Dans notre cas, l'association/comparaison se situe entre un jeu ultime et la civilisation azad, le texte rabaisse donc le jeu au niveau de la civilisation des azad présentée comme primitive assimilable à la nôtre (obsession du sexe et de la domination machiste , soumission forcenée au travail, intolérance et racisme notamment)...


Métaphore et amalgame, la combo magique


et ce faisant fait un amalgame énorme entre jeu et compétition qui constitue la part la plus puérile et les plus répréhensible du jeu (non mais navré, vraiment j'insiste, l'auteur a-t-il déjà joué dans sa vie? Et si oui, à autre chose que Risk, les petits chevaux ou le Monopoly?). Je vitupérais précédemment car on me prenait pour un électeur, maintenant j'ai l'impression de me faire rabaisser au niveau d'un supporter du PSG alors qu'à la base je fumais ma pipe devant mon échiquier en me prenant pour Napoléon... Heureusement, l'auteur n'a pas poussé le vice jusqu'à faire l'amalgame entre jeux de stratégie et jeux de paris ou de cartes, sinon j'appelais direct un auto-dafé !
Bref, il n'existe pas (encore?) de jeu qui s'assimile à la vie et qu'un auteur manifestement sans trop d'expérience en jeu s'essaye à en imaginer un ne peut qu'aboutir à une catastrophe surtout si c'est pour juste finir dans une mauvaise assimilation de compétition puérile (on laisse la compétition aux supporters de foot ou aux joueurs de Lol).
Le pire dans tout ça étant que c'est fait de manière très superficielle, c'est long et ennuyeux, des pages et des pages d'ennui, les amorces de réflexion ne sont jamais poussées.
Si l'auteur avait vraiment fait un travail de recherche ludique, il aurait bien mieux su rendre les difficultés tactiques qui font tant plaisir aux joueurs, ce qui reste, néanmoins, insistons sur ce point, un exercice périlleux. De même, s'il s'était livré à une réflexion sérieuse, il aurait su éviter les écueils qu'on vient de voir (comme éviter confusion entre compétition et jeu par exemple).


A côté de tous ces défauts, on est surpris de trouver un bel avant-gardisme en matière d'utilisation des drogues, de génomanipulation ou de transexualité pour un ouvage datant de 1988 et là aussi, il y avait matière à nourrir quelques débats intéressants entre les azads présentés comme conservateur et la Culture qui a déjà fait sienne ses améliorations.


Pour continuer de se chamailler, une liste non exhaustive de jeux en tout genre auxquels il faut avoir jouer dans sa vie :
Cyclades
Battle Star Galactica
Full Metal Planète
Jeu de Go
la saga Xcom
Citadelles
Eclipse Phase...


Et, histoire de continuer de se faire des copains, les jeux mauvais :p
les échecs
7th wonders
Risk
Colons de Katane
Dungeon lords...

CorsairePR
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le 13 mars 2018

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